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Actualités  |  Mardi 15 décembre 2015

Un paysan au Conseil fédéral

Le département militaire qu'a reçu M. Parmelin est généralement considéré comme un département peu gratifiant. C'est celui dont personne ne veut et qu'on refile traditionnellement au petit dernier. On pouvait même lire, dans l'honorable quotidien qui héberge ces réflexions: «Un peu déçu, Parmelin devra se coltiner l'armée». Coltiner!

M. Parmelin aurait grand tort d'être déçu. La défense armée constitue, avec les affaires étrangères, le fond historique de l'Alliance fédérale. Elle reste un élément capital pour la Suisse d'aujourd'hui: il n'est pas de souveraineté durable qui ne soit garantie par une armée.

C'est en réalité une bonne chose que M. Parmelin s'occupe du département militaire. Il existe, les mots le disent, une étroite parenté entre le paysan et le pays, entre la terre que l'on cultive et le territoire que l'on défend.

Espérons que M. Parmelin nous dispensera des rodomontades de son prédécesseur sur la «meilleure armée du monde»! Une bonne armée pour la Suisse nous suffira largement. Son premier travail sera d'accompagner les débats parlementaires, médiatiques et populaires des prochaines années sur la nouvelle réforme de l'armée, le «Deva» (Développement de l'armée) et le faire mieux qu'on ne l'a fait pour les malheureux Gripen. Une fois le Deva accepté, il faudra continuer l'effort. Car s'il va dans la bonne direction quant à sa conception de l'instruction, de l'équipement et de la mobilisation, le Deva n'est que le noyau, encore à développer, d'une armée pleinement opérationnelle.

Outre son département, chaque conseiller fédéral est collectivement responsable de la conduite de la Confédération. Le paysan Guy Parmelin est particulièrement bien placé pour convaincre ses collègues que l'agriculture est une pièce essentielle de la défense militaire: il ne sert à rien de remettre notre armée en état de marche si on ne peut plus nourrir la troupe. L'autonomie alimentaire de la Suisse, ou au moins sa capacité de se mettre rapidement en situation d'autonomie alimentaire doit être assurée. Cela exige notamment que le statut de l'agriculture soit revu en profondeur. Le statut actuel, onéreux, précaire et humiliant, fait du paysan un fonctionnaire sournoisement exploité.

Les paysans travaillent beaucoup et bien. Pourquoi refuserions-nous de payer ce que nous mangeons à un prix qui leur permette de manger eux aussi? Cela ne mettrait personne à la rue. Pourquoi, sur cette question, aussi vitale que celle de la sécurité, devrions-nous nous soumettre aveuglément à la pseudo-concurrence mondiale qui avantage principalement les grandes chaînes (!) de distribution et conduit le monde paysan, ici comme ailleurs, au découragement et à la faillite? Oui, M. Parmelin a du pain sur la planche.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 15 décembre 2015)