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Actualités  |  Mardi 17 novembre 2015

Ils disent: «Ce n'est pas ça, l'islam!»

A la radio, à la télévision, dans les rues, des personnalités et des associations musulmanes sont intervenues en hâte pour dénoncer les actes terroristes qui ébranlent la France. Elles ont affirmé solennellement que «ce n'est pas ça, l'islam!»

Nous sommes bien certains que la plupart des musulmans d'ici ont pour souci principal de subvenir à leurs besoins et de s'occuper de leur famille, et qu'ils ne voient aucun intérêt à participer à une guerre sainte ou prétendue telle. Beaucoup d'entre eux pratiquent d'ailleurs leur religion avec un zèle des plus tempéré.

On comprend que les musulmans tiennent à se désolidariser publiquement de ces actes. Il n'est pas agréable d'être considéré a priori comme un terroriste en puissance. Mais leur message est-il suffisamment convaincant? Il nous a semblé trop défensif, trop répétitif et, de surcroît, terriblement officiel. On l'a vu lors du rassemblement interreligieux organisé par l'Union vaudoise des associations musulmanes. Les intervenants, y compris les musulmans, ont tous recouru aux termes convenus de la langue de bois laïque: vivre ensemble, solidarité, refus des amalgames et multiculturalisme. Rien qui fût spécifiquement religieux!

Nous croyons que les milieux musulmans devraient en faire davantage et se donner le luxe de défendre l'islam en termes théologiques. On voudrait qu'ils nous fassent connaître les textes qui condamnent, ne serait-ce qu'indirectement, de tels actes de violence; qu'ils démontrent, si c'est le cas, que les positions djihadistes constituent, aux yeux du Coran, une infidélité majeure, voire une hérésie caractérisée; qu'ils ne se contentent pas de nous dire qu'il n'y a guère que cinq sourates violentes, mais qu'ils nous disent comment ils les interprètent, quelle place ils leur donnent dans leur appréhension générale de l'islam, et qu'ils mentionnent les versets, s'il y en a, qui les pondèrent; etc.

Si ce ne sont pas des musulmans qui se livrent à cette opération de théologie publique, ce sont d'autres qui s'en chargeront. Et ils le feront moins bien, parce qu'on ne parle bien d'une religion que du dedans. Les modernistes laïques réduiront l'islam à une version proche-orientale de la religiosité universelle. Les islamophobes dénonceront une entreprise de conquête du monde et de conversion des peuples par la force.

En revanche, une démonstration par des musulmans de l'inanité théologique du terrorisme djihadiste pourrait avoir des effets heureux, à commencer par une diminution sensible des risques d'amalgame. Elle pourrait aussi dissuader l'un ou l'autre jeune converti d'offrir ses services à l'Etat Islamique. Elle pourrait même, pourquoi pas, nous faire accepter l'idée que, chez nous en tout cas, «ce n'est pas ça, l'islam».

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 17 novembre 2015)