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Actualités  |  Mardi 15 janvier 2013

Esquisse d'un précis de centralisation

Il y aurait une thèse à rédiger sur les innombrables formes que peut prendre la centralisation fédérale. En voici quelques-unes, sommairement évoquées.

Il y a la centralisation au détail. Chaque livraison de la Feuille Fédérale nous révèle une bonne dizaine de petites modifications destinées à étendre une compétence fédérale existante. Lancer un référendum contre ce type de centralisation, dont le corps électoral est généralement inconscient, est à peu près impossible, lors même que l'accumulation des détails finit nécessairement par modifier le tout.

Il y a, à l'inverse, les centralisations d'ensemble, comme l'écrasante «Réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons» (votée en 2008). Elles créent et modifient tellement d'articles que personne, y compris le législateur, n'en a une vue globale. Mais il y aura toujours une majorité de citoyens pour les accepter, ne serait-ce que parce qu'elles ont coûté si cher, n'est-ce pas, et pris tant de temps.

Et puis, il y a les thèmes qui émeuvent: la musique, l'enseignement, les jeunes, l'environnement, etc. Touché dans sa sensibilité, l'électeur ne juge pas le texte proposé, il vote pour la musique, pour l'enseignement, pour les jeunes, pour l'environnement, etc. Il n'ose même pas se demander ce que les cantons font dans ce domaine et si la Confédération est réellement plus apte qu'eux. Souhaitons que, le 3 mars prochain, les personnes qui nous font l'honneur de nous lire ne se contentent pas de voter pour ou contre la famille et pour ou contre l'aménagement du territoire.

On centralise aussi sous prétexte de justice. Pas de bonne justice sans que les justiciables soient traités de façon rigoureusement identique! Ainsi, en 2007, le parlement fédéral a jugé inacceptable l'existence de procédures pénales cantonales différentes. Peu lui importait que ces procédures fussent bien maîtrisées. Peu lui importait que les professionnels, policiers, avocats et juges, eussent émis d'importantes réserves à l'égard de la procédure choisie par l'administration fédérale. Il fallait unifier, on l'a fait. Les résultats sont pour le moins décevants.

Terminons en signalant que beaucoup d'électeurs soutiennent par principe toute centralisation, qu'elle soit technique, culturelle, économique, sociale ou autre. Ils estiment, confondant sottement la quantité et la qualité, que plus c'est grand, meilleur c'est: la Confédération est forcément plus efficace que le canton, l'Europe l'est plus que la Suisse et le monde plus que l'Europe. Que la planète entière soit ravagée d'exemples contraires ne les touche en rien.

La centralisation n'empêche pas les cantons, entités historiques extraordinairement résistantes, de continuer à vivre. Simplement, ils vivent un peu plus difficilement, parce que l'ordre institutionnel correspond toujours moins à leur réalité profonde.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 15 janvier 2013)