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Actualités  |  Mardi 3 avril 2012

L'idée de Dieu, une «imposture féconde»?

Dans un article publié il y a quelques mois dans les colonnes du Matin-Dimanche et qui, prônant l'islamophobie, a connu un certain retentissement, M. Marc Bonnant, athée proclamé, écrivait que «l'idée de Dieu» était une «imposture féconde». «Nous devons Giotto, Mozart, Haydn et la chapelle Sixtine au christianisme», déclarait-il encore. Certes, et l'on pourrait ajouter à cette courte liste une brochette non négligeable de penseurs, de dramaturges, de romanciers et de fabulistes, quelques juristes aussi.

Si la fécondité de la religion chrétienne, puisque c'est d'elle que parle M. Bonnant, est avérée, qu'en est-il de l'imposture censée l'inspirer? Il se peut que dans une situation particulière, un mensonge puisse engendrer quelque bien. Mais l'«imposture» religieuse, c'est-à-dire une tromperie consciente et organisée, une illusion qu'on aurait cyniquement entretenue durant des millénaires et qui aurait inlassablement porté des fruits magnifiques et renouvelés, est-ce simplement concevable?

Certains scientifiques en jugent ainsi. L'un d'entre eux, faisant lui aussi profession d'athéisme, nous expliquait la fécondité des religions par le besoin naturel de l'espèce humaine de se créer un Dieu pour répondre à certaines nécessités individuelles et collectives. L'homme souffrirait donc par nature d'un défaut de fabrication, d'un vice ontologique, d'une tare d'origine nécessitant la pose d'une sorte de prothèse religieuse.

En d'autres termes, notre survie passerait par la sécrétion cérébrale de faux dieux comblant de vrais besoins. Pour notre scientifique, nous n'existerions que par la grâce d'un Dieu inexistant.

Et c'est cette réponse théologique mensongère aux dysfonctionnements innés de la personne humaine qui engendrerait nos productions intellectuelles, artistiques et spirituelles les plus élevées.

Ce raisonnement est difficile à accepter. Il l'est même d'autant plus que la prothèse est ordinairement la partie faible du corps. Elle ne fait en général pas oublier le membre de chair et d'os qu'elle remplace tant bien que mal. Or, cette prothèse religieuse serait au contraire la pièce la plus importante de notre personne. Ce serait elle qui ferait de l'hominien un humain complet.

Il faut avoir la foi du charbonnier dans les vertus miraculeuses du hasard pour y croire, pour affirmer sans arrière-pensée polémique que le moins engendre ordinairement le plus, que du mensonge jaillit durablement la vérité, que le mauvais arbre peut, année après année, produire du bon fruit.

Pour nous, le spectacle de la longue fécondité de notre civilisation nous apporte, non sans doute des preuves au sens strict du terme, mais du moins un ensemble d'indices qui convergent vers la réalité surnaturelle qui l'inspire. A tout le moins, elle engage l'athée à cultiver, à l'égard de son incroyance, un doute qui, le diable portant pierre, pourrait se révéler fécond lui aussi.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 3 avril 2012)