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Via Sicura et ses excès

Kevin Belet
La Nation n° 2047 24 juin 2016

Depuis le 1er janvier 2013, un ensemble de règles de la circulation routière nommé Via Sicura entre progressivement en vigueur. Ce programme d’action de la Confédération vise à renforcer la sécurité routière par le biais d’actions réparties dans trois domaines: la sensibilisation de la population, le comportement des usagers de la route et la sécurité des véhicules et de l’infrastructure routière.

Sur le plan législatif, certaines mesures sont déjà entrées en vigueur: l’interdiction de communiquer l’emplacement d’un radar au public ou de faire payer un tel service – l’usage privé de cette information est à relativiser avec l’avènement des réseaux sociaux –, l’usage diurne obligatoire des feux ou l’interdiction absolue de l’alcool pour certaines catégories de personnes. La dernière mesure phare de Via Sicura, en vigueur depuis 2013, est le délit de chauffard. Il s’agit indéniablement de la mesure ayant fait couler le plus d’encre.

Si le délit de chauffard fait autant parler de lui, c’est qu’il n’est pas sans poser de problèmes. La nouvelle norme de Via Sicura punit mécaniquement toute personne dépassant certains seuils de vitesse prévus dans la loi1. Une telle disposition est problématique à plusieurs niveaux. Au niveau juridique, elle instaure une présomption irréfragable par son application systématique. Ce mécanisme automatique est contraire au principe de la présomption d’innocence qui prévaut en droit pénal.

Le problème majeur de cette infraction réside toutefois dans sa peine: le délit de chauffard punit d’au minimum un an et jusqu’à quatre ans de peine privative de liberté l’auteur de ce crime. La lourdeur de la peine ne peut que choquer face à l’ensemble de l’ordre juridique suisse où les peines sont plutôt clémentes. Les inconvénients des peines privatives de liberté liés à la resocialisation de l’individu et le coût social qu’elles engendrent sont connus. Se justifient- ils pour des cas de «chauffards»? Le but de Via Sicura est de baisser le nombre de morts et de blessés sur la route. Le délit de chauffard devrait y contribuer par le caractère préventif de sa peine. Pourtant, il est connu que la relation de l’effet dissuasif de la sanction et sa sévérité ne sont pas linéaires. Les peines d’une grande sévérité n’intimident pas nécessairement davantage que des peines plus douces. Elles doivent s’accompagner de l’acceptation sociale de la proportionnalité de la sanction, cette proportionnalité n'était pas respectée pour le délit de chauffard.

On remarque en outre depuis 2002 une forte baisse du nombre de décès sur la route. Cette baisse est due à la mise en place de certaines actions de sécurité routière et à l’amélioration technologique des voitures. Même s’il est encore trop tôt pour se prononcer sur l’effet de cette disposition, en regardant les chiffres, on constate entre 2014 et 2015 une hausse du nombre de décès sur la route, alors que le nombre de retraits de permis explosait tout comme le nombre de condamnations pénales pour violations graves des règles de la circulation routière. Ces constations peuvent légitimement nous faire douter de l’adéquation entre la norme et son but.

Courant 2016 et en 2017 entreront en vigueur les dernières mesures du paquet Via Sicura. Il s’agira notamment de cours de formation complémentaires pour les conducteurs fautifs, de l’utilisation d’enregistreurs de données pour les conducteurs coupables d’excès de vitesse («boîte noire»), et d’ éthylomètres anti-démarrage pour les personnes dont le permis a été retiré suite à une conduite en état d’ébriété. Ces dispositions changent de la logique que nous connaissons. Elles soumettent à de nouvelles règles les personnes ayant déjà commis une infraction. Dans la même logique, on rendrait obligatoires les feux nocturnes seulement pour les personnes préalablement accidentées de nuit.

Suite à l’instauration du délit de chauffard, beaucoup de personnes ont considéré comme disproportionnés la peine et le retrait de permis qui lui est lié. Cette indignation s’est concrétisée par une initiative populaire nommée «Stop aux excès de Via Sicura (Pour un régime de sanctions juste et proportionné)» qui s’attaque en particulier aux peines privatives de liberté et aux confiscations de véhicule. Cette initiative dont la récolte des signatures a commencé au mois de mai est soutenue par différentes associations de la route. La Nation suit le dossier et vous invite à signer l’initiative. L’encartage suivra!

Notes:

1 Art 90 al. 4 de la loi fédérale sur la circulation routière (LCR).

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