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A11 ou les difficultés du redimensionnement des zones à bâtir

Jean-Michel Henny
La Nation n° 2068 14 avril 2017

Votre bimensuel favori évoquait dans son numéro du 18 mars 2016 les stratégies, lignes d’action et mesures prévues par la quatrième adaptation du Plan directeur cantonal (PDCn).

Ce document de plus de 300 pages a été soumis à consultation, remanié et envoyé au Grand Conseil en septembre 2016. La commission de quinze députés désignés pour l’étudier a déjà siégé à plusieurs reprises mais n’a pas encore remis son rapport. Le sujet est délicat et ne devrait en principe pas passer devant le plenum avant les élections. Il n’est même pas sûr qu’il puisse être traité par l’actuel Grand Conseil.

C’est la mesure A11 qui pose le principal problème. Il s’agit en effet de mettre en œuvre les principes établis par la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) modifiée en 2012 et entrée en vigueur le 1er mai 2014. L’article 15 LAT impose aux cantons de définir leurs zones à bâtir de manière à ce qu’elles répondent aux besoins prévisibles pour les quinze prochaines années. Les zones surdimensionnées doivent être réduites.

Comment contraindre les communes à classer en zone agricole ou de verdure des terrains à bâtir? Comment faire avaler la pilule aux propriétaires touchés?

Le Service cantonal du développement territorial mène depuis plusieurs années des enquêtes approfondies auprès des communes pour recenser leurs zones à bâtir. Selon les documents établis en octobre 2016, il y aurait dans le Canton 179 villages ou quartiers surdimensionnés. Toutes les communes concernées devront revoir leur plan des zones. Elles devront soumettre leur projet à l’approbation cantonale d’ici au 30 juin 2021.

Mais, en attendant, elles doivent prendre les mesures nécessaires pour éviter de nouvelles constructions dans les zones susceptibles d’être réaffectées. Passé ce délai, les communes qui n’auront pas démontré la conformité de leur planification au Plan directeur cantonal et aux législations fédérale et cantonale ne pourront plus délivrer de permis de construire et le Canton pourra agir par substitution.

Le Conseil d’Etat vérifiera l’adéquation des zones à bâtir avec les besoins calculés selon des tabelles sophistiquées en tablant sur une population de 940’000 habitants en 2030 et 1’040’000 en 2040.

Il a été décrété que l’extension du territoire d’urbanisation sera limitée à 850 ha au maximum d’ici à 2040, soit une augmentation de 780 ha dans les périmètres compacts d’agglomération et les périmètres de centres cantonaux, de 240 ha dans les centres régionaux, de 30 ha dans les centres locaux et de 10 ha dans les localités à densifier, le tout compensé en partie par une diminution de 210 ha dans les villages et quartiers hors centre.

Les communes sont réparties dans différents types de zones pour lesquelles une croissance maximale est prévue. Pour la période de 2014 (y compris ce qui a déjà été utilisé!) à 2030, ce seront par exemple 80’280 habitants pour le périmètre compact d’agglomération de Lausanne- Morges et 11’250 pour l’agglomération d’Yverdon. Pour Payerne, ce seront 4’290 habitants. Quant aux centres régionaux, ils auront droit à une croissance annuelle de 1,7% de leur population de 2014. Les centres locaux (Baulmes, Begnins, Concise, Cudrefin, Cugy, Gimel, Mézières-Carrouge, Rossinière, Rougemont, Le Sépey, Thierrens, Saint-Prex, Savigny et Granges-Marnand) devront se contenter de 1,5%. Et on passe sous silence ici les «périmètres des localités à densifier», ainsi que les «villages et quartiers hors centre».

Face à ces exigences, les municipalités et leurs urbanistes restent perplexes. S’il s’agit de densifier un quartier, la solution est relativement vite trouvée. En revanche, lorsqu’il faut dézoner, tout se complique. Sur le territoire de certaines communes, on a beaucoup construit ces dernières années et, pour respecter les normes du plan directeur, il faudrait détruire des logements et faire fuir certains habitants! Dans d’autres communes, les terrains à bâtir sont encore relativement nombreux car les habitants les ont thésaurisés ou ont plutôt «gardé une poire pour la soif». Certains projets mis à l’enquête publique sont aujourd’hui bloqués par le Service du développement territorial qui forme opposition et classe même parfois les terrains en question dans une «zone réservée», gelée pour cinq ans.

Certaines municipalités, pour éviter de prendre des décisions délicates et de faire des choix qu’on pourrait leur reprocher, placent l’intégralité de leur territoire à bâtir, même les zones de village, en zone réservée. Ainsi, le propriétaire d’un terrain nu mais en zone à bâtir en périphérie du village ne peut plus rien faire de son bien. Cette mesure, contraignante et coûteuse pour ce propriétaire, permet d’éviter ce qu’on nomme le mitage du territoire. Mais cela peut aussi toucher le propriétaire d’une ancienne ferme au centre du village qui ne peut plus la transformer pour y aménager un ou deux appartements supplémentaires. Pourtant, une telle transformation se ferait sans gaspiller un seul mètre carré de terrain, agricole ou non, puisque ces appartements seraient réalisés dans le gabarit du bâtiment existant.

Les communes sont inquiètes. En matière d’aménagement du territoire, c’est la confusion. Les propos des aménagistes et les esquives des politiques ne sont pas rassurants.

L’aménagement de notre territoire est une tâche primordiale qui reste encore en grande partie dans la compétence des cantons et des communes. Osons espérer que le Grand Conseil saura encore faire confiance aux communes en leur fournissant des outils à leur portée sans entrer dans les grandes complications des planifications excessives. Est-on sûr qu’il y aura plus d’un million de Vaudois en 2040?

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