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Prévoyance 2020: deux oui du moindre mal

Jean-François Cavin
La Nation n° 2077 18 août 2017

La durée de la vie humaine s’allonge et la natalité reste faible. Ces phénomènes minent les finances de l’AVS (1er pilier): il y avait en 1950 cinq cotisants pour un rentier; aujourd’hui trois; en 2060, ce serait deux pour un. Le déficit s’aggrave.

Les capitaux amassés dans les caisses de pensions (2e pilier) ne rapportent plus autant que dans le passé. A l’heure des intérêts négatifs, ces institutions ne peuvent plus, dans l’ensemble, assurer comme avant les prestations destinées aux retraités, dont la longévité croissante ne facilite pas non plus les choses.

Que faire pour relever ce double défi? M. de La Palice l’eût dit: augmenter le financement ou abaisser les charges, ou les deux. Du côté de l’AVS, il s’impose d’harmoniser l’âge de la retraite des femmes avec celui des hommes – comme au début de cette assurance – et, de plus, d’augmenter très progressivement l’âge de la retraite, pour les deux sexes, à 66 puis 67 ans (de nos jours, les sexagénaires avancés se portent bien); on ferait ainsi coup double: davantage de cotisations, moins de rentes. Du côté du 2e pilier, consolidé à long terme par la mesure qu’on vient de dire, il faut de surcroît agir sans tarder en baissant le taux de conversion (celui par lequel on convertit le capital accumulé à l’âge terme en rente annuelle); on peut aussi augmenter les recettes en diminuant la déduction de coordination (cette part du salaire franche de cotisation).

Mais M. de La Palice n’est pas membre du Conseil fédéral, ni n’inspire le parlement. Nos politiques ont donc mis en place une réforme complexe et emberlificotée, où l’on trouve même, contrairement à tout bon sens, une augmentation des prestations de l’AVS!

Du côté de l’AVS, les deux principales mesures d’assainissement prévues sont:

– l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes, à 65 ans comme pour leurs congénères mâles; l’officialité s’y résout en tremblant;

– la hausse du financement par l’impôt: augmentation de la TVA de 0,6 point en deux étapes (le supplément de 0,4 point destiné à l’AI disparaissant à fin 2017). Ce n’est pas très sain: il ne faut pas s’habituer à ce que la caisse générale comble les gouffres de la sécurité sociale.

Du côté du 2e pilier, les mesures principales sont:

– la baisse graduelle du taux de conversion de 6,8% à 6%, correction absolument nécessaire;

– une légère augmentation des cotisations pour les assurés de 35 à 54 ans;

– un modeste abaissement de la «déduction de coordination».

Comme les mesures relatives au 2e pilier, raisonnables en elles-mêmes, péjorent forcément la situation des assurés des caisses de pensions, les politiques ont cherché une compensation. Pour faire passer la pilule, on invente donc une allocation de 70 francs par mois destinée aux nouveaux rentiers, ainsi qu’une élévation du plafond de la rente des couples mariés (de 150% à 155% de la rente simple maximale). Pour couvrir le coût de ces cadeaux, on augmentera la cotisation de 0,3% dès 2021. Cette innovation est mauvaise pour trois motifs au moins. Elle renforce l’AVS d’Etat alors qu’il faudrait garder l’équilibre entre les deux piliers de la prévoyance collective. Elle grève l’AVS (alors qu’il faudrait économiser!), donc les cotisants par contrecoup. Elle crée deux catégories de rentiers, ce qui compliquera les choses à l’avenir.

Comme on voit, il y a dans ce gros paquet à prendre et à laisser. Il est d’autant plus malaisé de se prononcer pour ou contre qu’aucun des points de la réforme ne touche à de grands principes. Il s’agit surtout, même si certaines mesures sont peu orthodoxes, de cuisine financière. Il faudra pourtant bien glisser son bulletin dans l’urne, en répondant à deux questions intimement liées, puisqu’un seul «non» entraînerait le refus de l’ensemble: l’augmentation de la TVA est une décision de rang constitutionnel, soumise donc au référendum obligatoire du peuple et des cantons; quant à la loi concernant les autres mesures, elle a été attaquée par un référendum facultatif de certains milieux de gauche.

Ces référendaires combattent le projet où ils ne voient que la péjoration de la situation des salariés. Mais ils se gardent bien de dire comment faire face au défi démographique; ils s’en moquent, en attendant probablement que le Grand Soir remette tout à plat. Certains et certaines féministes à tout crin ne veulent rien savoir de l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes: pas d’égalité dans la prévoyance, clament-ils, tant qu’elle n’est pas réalisée dans les rémunérations; mais la part inexpliquée objectivement – et d’ailleurs peu importante – de l’inégalité salariale tient probablement non au machisme des patrons ou aux vices du système, mais à une moindre ambition professionnelle de beaucoup de femmes, qui pensent aussi à autre chose dans la vie. Plus sérieuses sont les objections d’une partie des forces de droite et de certaines organisations économiques, portant principalement sur les fameux 70 francs. Est-ce suffisant pour tout rejeter?

Deux tentatives de révision ont échoué depuis qu’on s’efforce de remettre l’AVS à flot, l’une en 2004 devant le peuple, l’autre en 2010 au parlement; le peuple a aussi rejeté en 2010 une baisse du taux de conversion du 2e pilier, pourtant modérée, de 6,8% à 6,4%. On ne peut s’empêcher de penser qu’un nouvel échec nous conduirait dans un cul-de-sac pour de nombreuses années, fragilisant considérablement toute notre prévoyance. C’est un risque qu’il ne faut pas prendre. Malgré certains défauts de cette révision, nous voterons deux fois oui.

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