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Comprendre la Broulangue

Cédric Cossy
La Nation n° 2084 24 novembre 2017

Le budget 2018 de l’Etat de Vaud, présenté à fin septembre, prévoit un exercice équilibré avec 9,3 milliards de dépenses et recettes. Ces prévisions, c’est une première, ont essuyé la critique de plusieurs formations politiques vaudoises: voracité du secteur social dénoncée par le PLR, équilibre instable inquiétant l’UDC, manque d’ambition pour protéger le climat regretté chez les Verts. Les socialistes sont les seuls à considérer que le Canton est bien géré.

L’état de grâce de M. Broulis, sauveur des finances du Canton aux yeux de beaucoup de Vaudois, est-il rompu? Les oxymores et demi-vérités servis depuis plusieurs années lors des présentations budgétaires et comptables ne charment apparemment plus la foule. Livrons-nous à une petite analyse des travers répétés de notre grand argentier.

Commençons par le titre de la présentation: pour 2018, c’est «Croissance des charges marquée, mais maîtrisée». C’est tout à fait dans la veine de «Maîtrise des charges: objectif croissance 2% tenu!» (2017), «L’Etat contient son budget et finance ses priorités» (2015), «l’Etat renforce ses prestations» (2014) ou  autre «l’Etat répond à la hausse des dépenses sectorielles» (2013). Dans les faits, c’est à chaque fois l’annonce d’une croissance de charges bien supérieure à la croissance conjuguée de la population et du PIB du Canton. L’Etat ne maîtrise en fait pas grand’chose, surtout dans le secteur de l’action sociale, où la progression pour 2018 est proche de 6% (+ 70% en dix ans), ou dans celui de la santé, avec +1,9% en 2018 et + 63% sur la décennie. A la vue de ces chiffres, on comprend la satisfaction des socialistes vaudois pour ces dépenses prétendument «sous contrôle».

La sous-estimation tant des dépenses que des rentrées est une autre constante des présentations budgétaires. La mouture 2018 n’échappe pas à la règle en prévoyant des dépenses certes en hausse par rapport au budget 2017 (+231 millions ou 2,5%), mais inférieures aux comptes 2016 (-104 millions ou 1,2%). Les dépenses de l’Etat n’ayant jamais enregistré de baisse au cours de ces vingt dernières années, nous prévoyons que les dépenses 2018 passeront la barre des 10 milliards, soit un dépassement de quelque 500 millions relativement au budget.

Même sous-estimation du côté des recettes: la hausse de 2,5% prévue en 2018 compense exactement celle des dépenses, mais la valeur au budget se situe 296 millions ou 3,0% en-dessous des rentrées 2016! Même si nous suivons M. Broulis lorsqu’il prévoit une stagnation de l’imposition des personnes morales et une hausse modérée de l’imposition des personnes physiques, nous prédisons, avec la juteuse part au bénéfice de la BNS, quelque 10,2 milliards de rentrées effectives en 2018. Il devrait donc rester près de 200 millions à l’Etat pour des écritures extraordinaires, aiguiser les appétits des tenants de l’Etat social, ou – on peut rêver – réduire les impôts.

L’Etat a en revanche à nouveau les yeux plus gros que le ventre en matière d’investissements. L’historique des cinq dernières années montre une capacité à la dépense à 80% des budgets initiaux pour les investissements bruts. 2017 n’échappe pas à la règle, puisque l’estimation de mai dernier était de 6% inférieure au budget. Pour 2018, nous prévoyons au mieux 380 millions d’investissements bruts sur les 429 inscrits au budget.

Quel intérêt y a-t-il à présenter des budgets systématiquement sous-estimés pour le ménage courant de l’Etat et surestimés pour les investissements. Ne pouvant croire à l’incompétence des comptables de l’Etat, il faut conclure à une manœuvre tactique, mais laquelle? Camoufler les rentrées trop grassouillettes à la voracité de la gauche? Dans les faits, celle-ci se contente très bien de la situation actuelle puisque, sur ces dernières années, les hausses de la facture sociale ont été payées et la Caisse de pensions de l’Etat recapitalisée sans déficit aucun. Est-ce pour éviter de réveiller la droite et les contribuables sur la lourdeur de la fiscalité? Au vu des réactions concernant le budget 2018, le subterfuge semble avoir atteint ses limites.

Comptablement parlant, les chiffres du budget 2018 réinterprétés dans cet article sont excellents. Politiquement, ils font toutefois apparaître deux problèmes structurels. Le premier concerne la croissance sur-proportionnelle des coûts de fonctionnement, surtout dans le domaine santé-social, alors que nous surfons sur une vague de croissance économique très proche du plein emploi. Si l’économie venait à tousser, le Canton devrait simultanément faire face à une hausse des charges et une stagnation, voire une réduction des rentrées fiscales. Le second concerne la part encore trop modeste consacrée aux investissements. Le développement des infrastructures n’est à nos yeux pas en phase avec l’ambition du Canton d’accueillir un million d’habitants d’ici quelques années.

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