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Un impôt hérétique

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 2088 19 janvier 2018

Le conseiller fédéral Ueli Maurer vient de lancer la campagne en faveur du régime financier de la Confédération, sur lequel nous voterons le 4 mars prochain. Cette campagne sera une promenade et la prorogation jusqu’en 2035 de l’impôt fédéral direct et de la taxe sur la valeur ajoutée est d’ores et déjà acquise.

Comme d’habitude, le Conseil fédéral et son administration, les partis de gauche et les Verts auraient bien voulu inscrire définitivement ces deux impôts dans la Constitution. Comme d’habitude, une résistance opiniâtre les en a dissuadés. L’IFD et la TVA, qui fournissent les deux tiers des ressources du pouvoir fédéral, resteront donc provisoires. Cela devrait suffire à lever toutes les oppositions. Toutes? Non. La Ligue vaudoise reste inébranlablement opposée à l’impôt fédéral direct, frontalement contraire au fédéralisme.

L’alliance fédérale ne lie ni des personnes, ni des villes, ni des entités linguistiques ou confessionnelles, ni des partis, ni des courants d’idées. Elle lie des Etats. Elle s’est sans doute resserrée au cours des siècles, mais elle continue d’être une alliance. Même dans le cadre de l’Etat fédératif de 1848, les cantons sont restés des Etats souverains, comme ne cesse de le proclamer l’article 3 de la Constitution fédérale.

Ce n’est pas seulement une question de droit. Aujourd’hui encore, sous les assauts de la modernité unificatrice et centralisatrice, les cantons demeurent fortement différents dans leur manière d’être et de vivre. Les nouvelles lois fédérales, si détaillées soient-elles, continuent d’être apprêtées à la sauce cantonale. Comparez la façon dont Vaud et le Valais, par exemple, appliquent Harmos ou la loi fédérale sur l’aménagement du territoire!

Dans une logique fédéraliste stricte, l’Etat cantonal est responsable de sa population et la consulte pour former ses décisions. Et c’est lui l’interlocuteur de la Confédération. Autrement dit, celle-ci ne devrait avoir à faire qu’aux Etats cantonaux. La notion de «contribuable fédéral» est illogique.

C’est dans cette perspective que la Ligue vaudoise avait lancé, il y a bien longtemps, une campagne sous le slogan «Il faut supprimer le Conseil national». M. Regamey demandait, dans son éditorial de La Nation d’octobre 1931, la suppression pure et simple de l’institution la plus discréditée, la plus nuisible, la plus corrompue de la Confédération, le Conseil national. Comme on sait, il n’a pas obtenu gain de cause. Il faut d’ailleurs reconnaître que ce Conseil se montre à l’occasion plus respectueux des souverainetés cantonales et des libertés individuelles que le Conseil des Etats.

Mentionnons encore une campagne d’une tout autre envergure, lancée par la Ligue en 1943, avec de nombreuses personnalités cantonales et fédérales, en faveur des «contingents financiers cantonaux». Toujours selon le même principe, il s’agissait de conserver aux cantons l’entière maîtrise de la fiscalité, charge à eux, en tant que membres de l’alliance fédérale, de pourvoir celle-ci des ressources financières nécessaires à l’exécution de ses tâches propres, principalement l’armée et la diplomatie. L’affaire prit de l’ampleur, fut relayée au parlement fédéral par plusieurs députés. Puis, trop contraire à l’esprit du temps, elle s’enlisa dans les marigots fédéraux, déboucha sur une solution de compromis et finit par échouer devant le peuple, le 4 juin 1950.

Une version plus légère du principe s’énonce ainsi: «Les impôts directs aux cantons, les impôts indirects à la Confédération.» Mais il y a toujours de bons motifs pour s’écarter des principes. En 1932, on introduisit l’«impôt de défense nationale», justifié par les nécessités militaires de l’époque. On rassura le contribuable: cet impôt serait limité au temps que dureraient lesdites nécessités. Mais un pouvoir ne lâche jamais un impôt, même provisoire. On continua donc de le percevoir après la fin de la guerre, se contentant de remplacer ultérieurement son nom par celui, plus exact, d’«impôt fédéral direct». Cette sincérité fiscale ne le rend pas moins inacceptable, aujourd’hui encore, pour les fédéralistes.

En 1992, l’Union suisse des arts et métiers lança une initiative «Pour l’abolition de l’impôt fédéral direct». La Ligue vaudoise, qui proposait depuis longtemps de négocier la suppression de l’IFD contre le remplacement de l’impôt sur le chiffre d’affaire (Icha) par la TVA, la soutint. L’initiative aboutit avec pas loin de 108 000 signatures, mais ses auteurs eurent peur de leur audace et retirèrent l’initiative, malgré notre opposition.

La TVA est un impôt indirect qui n’appelle pas de remarque particulière, si ce n’est qu’elle est trop facile à augmenter. Cela dit, nous n’y pouvons rien si les autorités ont cru bon de lier son destin à celui de l’IFD. Mais il ne sera pas dit que la Ligue vaudoise aura voté et fait voter en faveur d’un impôt contredisant les souverainetés cantonales, qui sont sa raison d’être et d’agir.

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