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Où est la poésie?

Daniel Laufer
La Nation n° 2090 16 février 2018

Au fond c’est un mystère. La poésie d’aujourd’hui fait fi des mètres et des rimes; le poète écrit pour être lu, regardé, non dit, non récité. Comme si l’asservissement aux règles ne pouvait qu’enlever sa poésie au texte. Fort bien. Mais alors il faut bien se faire à l’idée que ces poèmes, dits «en prose», ne seront pas lus à haute voix, ne seront pas récités, ne seront pas appris par cœur. Apprendre par cœur a mauvaise presse aujourd’hui, notre smartphone nous tient lieu de mémoire universelle… Vraiment? Ce que nous rechercherons parfois sur notre petit écran, ce seront les poèmes que nous tentons de retrouver longtemps, longtemps après que les poètes ont disparu.

Nul doute qu’il y a une poésie profonde, raffinée, quelquefois presque ineffable, dans la Promenade sous les arbres de Jaccottet, et maintenant dans Pour une part d’enfance, de François Debluë. Il faut donc convenir qu’il y a une différence de nature entre la poésie dépourvue de règles, et la poésie classique. Celle-ci n’est pas supérieure à celle-là, elle est autre.

Avec quelque impertinence, que le poète nous pardonnera, je l’espère, nous nous sommes amusé à reprendre un poème de François Debluë, (choisi justement dans Pour une part d’enfance) pour lui donner la rigueur de la rime et du mètre à neuf pieds. Qu’on en juge:

 

J o u r s   d e    p l u i e

 

Ce matin tu regardes tomber                 Ce matin tu regardes tomber

tomber la pluie sur la vitre                     Tomber la pluie sur la fenêtre

et tu voudrais suivre tous les sentiers   Et tu voudrais suivre les sentiers

que dessinent les gouttes devant toi     Que ces gouttes feront apparaître

 

Tu ne sais pas ce qu’est une averse     Tu ne sais pas ce qu’est une averse,

mais déjà tu te réjouis qu’elle dure        Mais tu te réjouis qu’elle dure

assez pour te jeter enfin                        Bien assez pour te jeter enfin

sous ces gouttes tombées du ciel          Sous l’onde fraîche, joyeuse et pure,

et sauter à pieds joints dans les flaques        Et sauter dans la flaque à pieds joints,

 

Et ce sera comme une grande douche  Heureux sous la douche qui déverse

venue d’en haut venue d’en bas           Toute cette eau d’en haut et d’en bas,

qui te fera rire aux éclats.                      Et qui te fera rire aux éclats !

 

Qui l’apprendra par cœur?

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