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Occident express 2

David Laufer
La Nation n° 2093 30 mars 2018

Non loin de chez moi se dresse une colline infâme et sainte. En 1594 en effet, durant la domination ottomane, le pacha y avait fait exhumer puis brûler les restes d’un prince canonisé. Un gigantesque temple néo-byzantin y a été édifié en souvenir du malheureux. C’est le temple Saint-Sava, fils de la dynastie Nemanji? et fondateur, en 1219, de l’Eglise autocéphale serbe. Commencé en 1935, il n’était encore, lorsque je l’ai découvert en 2001, qu’une immense coque de béton brut et passablement terrifiante. On a désormais jeté sur son squelette un habit de marbre de Carrare et son intérieur se fait lentement recouvrir de mosaïques. Ainsi celle qui orne les 30 mètres de diamètre du dôme, et qui culmine à 70 mètres de hauteur, vient de se faire inaugurer par Sergeï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères. Oui, parce que ce Christ Pantocrator, entièrement doré, a été financé par Gazprom et réalisé à Moscou. On l’a ensuite découpé en petits morceaux avant de le réassembler pour en faire la plus grande mosaïque de dôme au monde. Pour un protestant, originaire d’un des territoires les plus déchristianisés d’Europe, une ferveur si ostentatoire suscite une infinie perplexité, à mi-chemin entre l’admiration et l’indignation. Car depuis quelques années, c’est toute la Serbie qui se fait ainsi tapisser de temples byzantins, petits ou grands. L’Eglise serbe ayant des poches profondes, elle s’en sert pour tenter de reconstruire ce qu’un demi-siècle de communisme a patiemment détruit. Dépositaire depuis huit siècles de l’identité serbe, l’Eglise entend ne pas se faire doubler par la mondialisation. En vain, semble-t-il. Tous ces temples ornés, ces mosaïques et ces fresques servent surtout les intérêts du ministère du tourisme. En Suisse nos cathédrales et nos bijoux d’art roman connaissent, pour d’autres raisons, un sort identique. Le capitalisme et le communisme semblent avoir abouti à des résultats semblables, au moins sur ce point.

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