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Occident express 7

David Laufer
La Nation n° 2099 22 juin 2018

Tous les matins, j’amène mon fils à l’école. Puis je reviens à la maison vers huit heures et, comme l’exige la tradition locale, je m’assois au café d’en face. Là me rejoint mon ami Vladimir et, tout en buvant deux expressos, nous expédions les affaires courantes. Et nous regardons passer les gens. Comme on en voit très souvent par les rues belgradoises, à petits pas et tout en conciliabulant à voix basse, un grand-père et son petit-fils se rendent à la maternelle. S’il est encore vif, il lui porte son cartable et le tient par la main. Toutefois, considérant l’état de santé de certains, c’est souvent l’unuk qui accompagne son deda plutôt que le contraire. Cette tendresse et cette intimité sont éphémères. L’un sera bientôt adolescent, l’autre aura bientôt disparu. Mais cette routine offre à l’un comme à l’autre le sens de la continuité. Le grand-père se souvient de son enfance et se réjouit de savoir que sa mémoire ne disparaîtra pas tout de suite. Le petit-fils se souviendra, lui, des années plus tard, de ces quelques pas matinaux. Il comprendra mieux d’où il vient et, par conséquent, qui il est. Ce spectacle me touche car il a presque disparu de nos rues d’Europe occidentale. Une publicité de la Poste française faisait récemment l’apologie d’un nouveau service: vous qui vivez à Paris, payez 19 euros par mois et le facteur vous enverra un sms tous les matins pour vous assurer que votre maman/papa à Châteauroux est toujours en vie. Il demeure que la structure familiale balkanique est communautaire, c’est-à-dire qu’elle est souvent chaotique. Selon certains démographes, cette structure est responsable du désordre économique et politique qui règne par ici. Pourtant je doute qu’un Serbe exilé à Chicago, qui se souvient de ses promenades avec son grand-père, se décide à payer 19 euros par mois pour n’avoir plus besoin de s’acquitter de cette corvée qui consiste à aimer ses parents.

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