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Deal de rue à Lausanne

Guy Delacrétaz
La Nation n° 2099 22 juin 2018

Lausanne s’enfonce dans le désordre. La capitale cantonale déborde de mendiants, toujours plus insistants. Les tags couvrent toujours plus de façades. Les rues sont régulièrement jonchées de détritus les samedis et dimanches matin. Les immeubles reçoivent les remugles persistants de l’urine des fêtards. Les dealers infestent le centre-ville de leur présence criminelle. Et tout cela dure depuis des années et des années, en s’aggravant régulièrement et sous l’œil impassible des municipalités successives.

Quelques mots encore sur la vente libre de stupéfiants chez celle à qui la délicate appellation de «Belle paysanne» ne sied définitivement plus. Le municipal PLR en charge de l’ordre à Lausanne annonce son intention de lutter contre ce fléau destructeur. Il cite les quelques lieux les plus concernés: la gare, le Petit-Chêne, Saint-François, la rue de Bourg, Bel-Air et la passerelle de l’Europe, Chauderon, le Maupas et Saint-Roch… En fait tout le centre-ville. Comme le précise 24 heures, ce ne sont que les quartiers les plus touchés.

Pour la petite histoire, M. Junod, syndic, rappelle à ceux qui ne l’auraient pas remarqué que «la lutte contre le deal fait partie de son programme de législature». Il annonce la présence imminente, et en journée, de vingt policiers à plein temps sur ces quartiers chauds. Où les prendra-t-il? Quelles autres tâches de protection de la population seront-elles ainsi réduites? Quel est leur programme d’action?

Quelques questions surgissent. Comment en est-on arrivé là? Comment cette racaille de trafiquants a-t-elle pu prendre possession de notre ville sans provoquer aucune réaction de la part des autorités, pas plus lausannoises que cantonales d’ailleurs? Pas un endroit du centre n’est épargné. Les apprentis et les étudiants qui passent par là, mais pas seulement eux, sont régulièrement interpellés. On leur propose ces produits mortels depuis des années sans que ceux qui ont la responsabilité de la Ville daignent broncher.

Au lieu de résister, les Municipalités successives se montrent accueillantes, au mieux indifférentes. C’est que la lutte contre les dealers serait plutôt une idée de droite, dès lors qu’elle comporte un volet répressif. Alors bien sûr les Brélaz, les Junod, les Vuilleumier et autres champions du cœur prennent leurs distances.

On me rétorquera que la Municipalité a pensé à ceux qui ont cédé aux avances des marchands de mort. Ils recevront bientôt un local d’injection pour «libérer la rue de leur présence perturbante» et s’empoisonner sous contrôle infirmier et avec du matériel propre. Puis ceux des dealers qui ne se retrouveront pas à proximité immédiate de ce rassemblement organisé de clientèle rendue encore plus captive reprendront rapidement leur commerce dans les mêmes quartiers.

On nous a déjà fait le coup de la fermeté à plusieurs reprises. Les autorités communales, une fois même avec la présence d’une conseillère d’État, convoquent la presse et ses photographes. Le lendemain, les journaux se couvrent de photos de dealers menottés et de politiciens roulant les mécaniques et triomphants… et les dealers repartent au boulot, aux mêmes endroits. C’est programmé. Hasard du calendrier, ce genre de démonstration est souvent proche d’une échéance électorale.

Olivier Français s’était opposé avec courage à l’ouverture d’un local d’injection il y a dix ans, alors qu’il était municipal. Le PLR lausannois s’est aujourd’hui engouffré dans l’illusion confortable qu’un tel local contribuerait à améliorer la situation. Cette faute morale aura fatalement des répercussions électorales.

Et voilà qu’un homme de gauche, bien installé dans le confort du politiquement correct et de la bien-pensance, dont les productions font se pâmer toute la boboïtude, s’indigne. Il dénonce la présence des dealers qui polluent la vie de son quartier, font fuir les commerçants, deviennent toujours plus agressifs et proposent leur marchandise aux enfants des écoles toutes proches. Fernand Melgar accuse les édiles lausannois d’homicide par négligence. Aïe!

Ses amis de gauche le lâchent. Un collectif d’artistes, généralement subventionnés, des étudiants divers mais de gauche, le crucifient dans une lettre ouverte vengeresse. Le milieu du cinéma suisse fait part de sa «consternation», etc. Puis, divers soutiens à Melgar se manifestent, en provenance d’autres acteurs de la gauche institutionnelle.

Une partie importante de la gauche extrême vient au secours des migrants «qui font ça pour vivre…», «parce qu’ils ne peuvent rien faire d’autre», etc. Et là, on a le sentiment que la population ne marche plus. La crise fut décrite comme aiguë: elle a rassemblé 300 personnes sur la place Chauderon… C’est dire.

Le municipal Hildbrand informe que la présence policière déplace le deal dans les bus. On attend toujours ses propositions pour poursuivre son action salvatrice. Y en aura-t-il?

Sous prétexte que la lutte contre la drogue ne permet pas d’éradiquer complétement cette calamité, des «penseurs» socio-politiques proclament qu’il faut donc légaliser son commerce. Un peu comme si, observant qu’il existe toujours des voleurs et des violeurs malgré la répression, il convenait désormais de dépénaliser leurs activités.

Les paris sont ouverts pour savoir quand la présence policière contre le deal de rue à Lausanne sera réduite et pour quelles bonnes raisons.

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