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Un sentiment de bruit

Le Coin du Ronchon
La Nation n° 2099 22 juin 2018

La circulation routière à Lausanne est «la plus bruyante du pays», avec un niveau sonore particulièrement critique à l’avenue d’Echallens d’une part, près du parc de Milan d’autre part. Tel était le résultat d’une étude scientifique très sérieuse présentée au début du mois de juin.

Quelques jours plus tard, la presse – qui pour une fois avait décidé de se montrer critique – révélait que les habitants des quartiers incriminés ne ressentent guère de problème, qu’ils trouvent l’endroit plutôt calme, qu’ils dorment bien et que le seul vacarme dont ils peuvent se plaindre est celui des trains!

Voilà qui est bien ennuyeux. L’étude «très sérieuse» n’était certainement pas destinée à révéler quoi que ce soit de négatif sur les transports publics – qui, dans la classification morale moderne, représentent le Bien absolu et l’avenir de l’Humanité – mais bien plutôt à pointer du doigt le trafic automobile, en fournissant une caution scientifique à ceux qui veulent limiter la vitesse à 30km/h dans tout le centre-ville. Les conclusions étaient posées dès le départ: on comptait sur les riverains pour évoquer leurs pathétiques souffrances face au sourd grondement des automobiles, et donc pour exiger que ces dernières roulent désormais au pas dans les quelques rares boulevards où l’on voudra encore les tolérer. Hélas, les riverains n’ont pas répondu comme on leur demandait de répondre.

Les scientifiques, heureusement, ne se laissent jamais démonter. Ils possèdent toujours une réserve d’arguments imparables pour démontrer qu’ils n’ont pas pu se tromper et que si la réalité ne cadre pas avec leurs conclusions, c’est donc que la réalité est fausse. L’un d’eux s’est ainsi justifié dans la presse: Il ne faut pas oublier qu’avec le temps, on s’habitue au bruit, il dérange moins. Ou donne en tout cas l’impression de moins déranger. Car ceux qui assurent ne pas être perturbés se trompent peut-être […]. Le cerveau peut parfaitement faire abstraction du bruit, donnant l’impression à l’individu concerné qu’il n’est pas incommodé dans la mesure où il n’a pas conscience de se réveiller, mais il se réveille pourtant bel et bien.

Nous n’allons pas mettre en doute cette théorie. Celle-ci est régulièrement démontrée par les scientifiques eux-mêmes, qui souffrent du même problème: avec le temps, ils s’habituent à leurs méthodes de travail, et leur cerveau peut parfaitement faire abstraction de leurs erreurs et de leurs présupposés, leur donnant ainsi l’impression qu’ils réalisent des études parfaitement neutres et correctes.

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