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Occident express 14

David Laufer
La Nation n° 2106 28 septembre 2018

La rentrée de septembre, c’est aussi pour moi le moment où je dois renouveler mon titre de séjour. Il y a dix-sept ans, lorsque pour la première fois je suis arrivé à Belgrade, c’était un processus infernal. Le guichet de la police des étrangers était à l’extérieur du bâtiment et l’on y attrapait, soit une insolation, soit une broncho-pneumonie. La lenteur des procédures, le fait que le guichet n’était ouvert que quatre heures par jour et qu’il était tenu par un croisement de doberman et de serpent à sonnettes, tout cela faisait que la cohue et la confusion étaient extrêmes. Je m’y rendais la peur au ventre, sans parler la langue, certain que mes documents seraient immédiatement rejetés et qu’on m’en demanderait d’autres, évidemment impossibles à fournir, sous peine d’exécution en place publique. Mais enfin, après quelques jours ou semaines de procédures, on me délivrait mon sésame. Et le même cirque reprenait un an plus tard. En revenant chez moi, je remontais en taxi la rue des ambassades. En ces temps reculés, la Serbie (c’était encore la Yougoslavie) était un paria parmi les nations et ses ressortissants devaient se plier à des exigences infinies et coûteuses pour passer la frontière. On les voyait donc, tous les jours, attendre en longues et lentes files indiennes, à l’extérieur des bâtiments, souvent dès 4 heures du matin pour être certain de pouvoir revenir dans leur lointaine province le jour même. Mes agonies à la police des étrangers me paraissaient soudain bien futiles. Au fond, la Serbie ne faisait que rendre à l’Europe la monnaie de sa pièce. Quelques années d’expérience m’ont été nécessaires pour ne plus avoir peur, apprendre la langue et comprendre qu’en Serbie, même si tout prend du temps, des dizaines de tampons et des kilos de papier, tout est toujours possible. En Serbie, en d’autres termes, j’ai enfin commencé à ne jamais prendre les problèmes qu’un à un. S’il a fallu me terroriser et me faire parfois regretter d’être né, l’enjeu en valait largement la peine. Et comme s’il voulait me faire comprendre qu’en effet j’avais bien appris ma leçon, le ministre de la police a ramené le guichet à l’intérieur du bâtiment. Désormais la salle est climatisée et les secrétaires charmantes. Ce qui ne m’avance guère puisque je viens d’obtenir mon permis de séjour permanent.

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