Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Deux grands moments de musique

Jean-François Cavin
La Nation n° 2109 9 novembre 2018

«Così fan tutte» à l’Opéra de Lausanne

Après avoir écrit tout le mal qu’il fallait penser de la transposition prétentieuse et ratée de l’Histoire du soldat, nous sommes heureux d’acclamer la transposition pleinement réussie de Così fan tutte, dans la même salle, dans la mise en scène de Jean Liermier. Placer la cynique comédie montée par Don Alfonso sur un plateau de télé-réalité, cela correspond entièrement à l’esprit de l’œuvre de Da Ponte et Mozart, dans ce jeu qui devient une école de la séduction avant de tourner presque au drame. Et le pari de la transposition est tenu en toute cohérence de bout en bout (c’est cela qui est difficile), jusqu’à la chute désopilante: «Si vous voulez que se reconstituent les couples d’origine, tapez 1!».

Il faut ajouter que la partie musicale était tenue de manière exemplaire, sous la direction de Joshua Weilerstein, dont on dit que c’était la première prestation à l’opéra. Eh bien, pour un coup d’essai, c’était un coup de maître!

«Le mystère d’Agaune» à Ollon

Saint Victor, patron de l’église d’Ollon, était un officier de la Légion thébaine aux côtés de saint Maurice, martyrisé pour avoir refusé d’abjurer sa foi. Les animateurs de l’Automne musical d’Ollon ont eu l’idée, pour le dixième anniversaire de leur manifestation, de commander une œuvre originale sur saint Victor, qui est devenue un mystère au sens médiéval sous la plume de Christophe Gallaz, dont on sait le talent. Son texte dit que du massacre sont nés des chasses et des hymnes, que  l’horreur peut donc devenir beauté et que la mort s’en trouve transfigurée; de la violence, il faut «sortir par en haut», a confié l’écrivain dans une interview. Nous n’en dirons pas plus, car le livret n’était pas disponible et l’on sait que, même avec d’excellents interprètes, il est quasi impossible de suivre les paroles du chant.

La musique est de Richard Dubugnon, qui l’a composée pour deux narrateurs (soprano et ténor), chœur mixte, orgue, piano et orgue de barbarie! Nous avons rarement été impressionné autant par une création, si forte qu’on a le sentiment d’avoir assisté à la naissance d’un chef-d’œuvre digne de figurer au répertoire des grands oratorios. Dubugnon est un de nos meilleurs compositeurs. Sa musique, qui sait être savante, n’est nullement cérébrale; elle est vivante, elle parle au cœur. On admire l’alternance des scènes de tumulte et des moments de paix. Le dosage rythmique est passionnant. On est saisi par les envolées des choristes et des solistes, ou alors par leurs murmures en état de suspension éthérée. On goûte hautement les parties instrumentales, rendant parfaitement justice au genre de chacun des instruments, fût-il de barbarie, et combinant à l’occasion leurs sons en un ensemble qui ne manque ni d’originalité, ni même d’humour. Car Dubugnon ne veut pas ennuyer son public et sait le tenir en haleine, sans recourir d’ailleurs à aucune facilité.

L’Heure musicale, le 28 octobre, transmettait en direct ce concert, magnifiquement interprété, et l’on peut le retrouver sur le site d’Espace 2 jusque vers fin novembre. L’œuvre sera donnée à nouveau à l’abbaye de Saint-Maurice le 25 novembre prochain à 15h30. Ne manquez pas l’écoute!

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: