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Le Conseil d’Etat couvre un acte illicite

Jean-François Cavin
La Nation n° 2109 9 novembre 2018

La convention collective de travail (CCT) du secteur principal de la construction (maçonnerie et génie civil), valable pour toute la Suisse, est en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018. Elle a reçu force obligatoire générale par décision du Conseil fédéral. Elle est doublée, sur le plan vaudois, d’une convention cantonale complémentaire. Elle prévoit expressément que les parties – syndicale et patronale – observent la paix absolue du travail.

La grève qui accompagne les «journées d’action», les 5 et 6 novembre dans notre Canton, destinée à montrer la force du syndicat en vue du renouvellement de la CCT, est donc illicite.

Le Conseil d’Etat, averti de la grève par un courrier d’Unia à fin octobre, a répondu avec complaisance au syndicat le 2 novembre, et donné une large publicité à cette réponse par un communiqué de presse qui en reprend l’essentiel. Il dit les bienfaits du partenariat social, évoque son attachement de principe à la résolution pacifique des conflits et appelle à un accord satisfaisant pour tous (tout cela n’est pas très original), mais ne touche pas mot de la violation de la paix du travail. Il «s’inquiète des possibles régressions sur les conditions de travail et de rémunération» (signe amical à Unia). Il précise que les entreprises paralysées par la grève ou qui ne voudraient pas mettre en danger la sécurité des chantiers par l’emploi d’équipes trop réduites n’encourront pas de pénalités de retard pour le ralentissement des travaux dû à la grève; on peut comprendre ce souci sécuritaire, mais pourquoi ne pas faire supporter le dommage par les auteurs de l’acte illicite? Et pourquoi étaler publiquement cette décision, assez technique, alors qu’il suffisait de la communiquer aux adjudicataires ou de la faire connaître via la Fédération vaudoise des entrepreneurs? On sent bien la volonté du Conseil d’Etat de témoigner de sa compréhension pour l’immobilisation des chantiers et d’en neutraliser les effets dommageables. Il termine sa missive à Unia en l’assurant de ses «sentiments les meilleurs». Est-ce ainsi qu’on fait copain-copain avec des fauteurs de trouble, que l’autorité publique supérieure devrait au contraire désapprouver, voire poursuivre?

Le renouvellement de cette CCT est souvent malaisé, parce que les conditions de travail de ce secteur sont tellement supérieures à celle de l’étranger (tant mieux pour les bénéficiaires) et ne se maintiennent à ce niveau record que grâce à un protectionnisme strict (et justifié) qu’il est difficile d’aller plus loin. A cela s’ajoute que la retraite précoce des salariés (peut-être légitimée par la dureté du travail) comporte un coût que la prévoyance professionnelle du secteur a de la peine à assumer; on sait d’ailleurs les soucis des caisses de pensions dans leur ensemble en un temps où les capitaux ne rapportent plus grand’chose.

La négociation d’une CCT est rarement une promenade de santé; les obstacles mettent à l’épreuve la bonne volonté des acteurs du partenariat social. Mais ce n’est pas une raison pour fouler aux pieds un principe cardinal de ce partenariat. Dans notre cas, la convention est claire; et la parole donnée doit être tenue, comme l’a proclamé peu auparavant le Conseil d’Etat dans un autre communiqué où il prétend, à propos des traités internationaux, faire la leçon à l’UDC. Le gouvernement est-il seulement conscient de la contradiction?

Qui a piloté la manoeuvre pro-Unia? Si, par hasard, c’est M. Maillard, il pourra se targuer d’avoir amené le Conseil d’Etat à couvrir l’acte illicite d’une grève: entrée glorieuse à la présidence de l’Union syndicale suisse! Mais pour sa sortie du gouvernement vaudois, c’est moche. Cela dit avec l’assurance de nos sentiments qui ne sont pas les meilleurs.

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