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L’attitude des autorités avant un vote populaire

Jean-François Cavin
La Nation n° 2110 23 novembre 2018

Après l’annulation d’une votation communale à Tolochenaz, sur décision finale du Tribunal fédéral, pour le motif que la municipalité avait déséquilibré le débat public par son ingérence, le scrutin de Moutier sur son appartenance cantonale future est à son tour invalidé par la préfète, en première instance, notamment pour cette même raison. Nous ne nous prononcerons pas sur les cas d’espèce, dont les données et les circonstances exactes nous échappent; mais c’est l’occasion d’examiner la problématique de l’intervention des exécutifs dans les campagnes précédant les votations populaires, non seulement au niveau communal, mais aussi cantonal et fédéral.

Il est indéniable que la participation partiale de l’exécutif au débat public peut fausser le jeu. D’abord parce que l’autorité bénéficie encore d’une certaine… autorité (le respect f… le camp, c’est entendu, mais quand même…) qui peut, par elle-même, faire pencher les indécis faisant confiance aux dirigeants. Ensuite parce que l’autorité bénéficie d’emblée d’informations complètes sur le projet, rassemblées par ses services, donc d’un arsenal d’arguments que les opposants doivent s’efforcer de constituer péniblement de leur côté. Et encore parce que l’autorité dispose souvent de moyens de communication – parfois gratuits – que les miliciens n’ont pas. Les exécutifs ne doivent donc pas exploiter indûment leur position dominante.

On doit être restrictif même sur d’éventuelles informations complémentaires ou de prétendues rectifications: la limite qui les sépare de la propagande est aisément franchie.

Ce n’est pas seulement le risque de déséquilibrer le débat qui doit inciter les magistrats à la sobriété verbale, mais aussi leur fonction même. S’ils perdent le dimanche du scrutin, ils devront encore gouverner le lundi et les jours d’après. Nos usages ne connaissent pas la démission des perdants, à juste titre. Ils ne doivent donc pas, en se lançant à corps perdu dans la bataille, se rendre incapables d’exercer ensuite sereinement leur fonction et, notamment, d’appliquer impartialement une décision qu’ils n’ont pas voulue.

Déduira-t-on de cela que seul le silence convient aux magistrats exécutifs? Cette conclusion radicale serait certes envisageable, car les projets soumis à la sanction populaire ont été au préalable discutés et adoptés par des parlements, dont les membres les plus profilés peuvent prendre la tête d’un comité d’action. Il est toutefois difficile, à notre époque très médiatisée qui personnalise la politique, de contraindre au silence le chef du département qui a porté le projet contesté. On admettra donc un discours télévisé de sa part, sans accent polémique, et deux ou trois conférences publiques. Pas de débat télévisé, car l’équilibre sera inévitablement faussé, l’attention étant focalisée sur le magistrat-vedette. Pour le reste, aux membres du comité de soutien de mouiller leur chemise!

La jurisprudence restrictive des tribunaux – dont on rappelle toutefois qu’elle ne s’applique que lors de scrutins aux résultats serrés – devrait inspirer les milieux politiques en toutes circonstances, et notamment remettre en cause les «Explications du Conseil fédéral» diffusées tous-ménages avant les votations fédérales. Cette brochure est manifestement un instrument de la propagande étatique, payé non par les partisans de la position officielle, mais par l’ensemble des contribuables. Prenons le cas de l’initiative pour la primauté du droit national. Trois pages sont d’abord consacrées à une présentation du texte, prétendument objective; elles sont en réalité tendancieuses, avec au moins cinq passages insidieusement rédigés en faveur du statu quo ou plus nettement partiaux. Ensuite, partisans et adversaires de l’initiative disposent les uns et les autres de deux pages. Enfin, la page 4 de couverture – une belle page publicitaire comme chacun sait – affiche les recommandations du Conseil fédéral et du parlement. Il s’impose de procéder à une réforme en profondeur de cette publication, ou de la supprimer.

La machine administrativo-parlementaire détient le pouvoir. Ceux qui tentent de faire entendre la voix du peuple grâce au contre-pouvoir de la démocratie directe ne doivent pas être écrasés par le bourrage de crâne de la nomenklatura.

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