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Le piège migratoire de l’ONU

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 2111 7 décembre 2018

Les migrations ont toujours fait partie de l’Histoire, et nous reconnaissons qu’à l’heure de la mondialisation, elles sont facteurs de prospérité, d’innovations et de développement durable et qu’une meilleure gouvernance peut permettre d’optimiser ces effets positifs.

(Préambule du «Pacte mondial pour des migrations sûres,
ordonnées et régulières»)

Au début de la semaine prochaine, les Etats du monde réunis à Marrakech seront invités à signer le «Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières». Ce pacte fixe dix principes et vingt-trois objectifs, qu’il détaille longuement. Chaque objectif commence par un engagement solennel, dont la portée est incertaine puisqu’il n’est pas juridiquement contraignant, mais seulement (?) politiquement contraignant. Distinction oiseuse en ce qui concerne la Suisse: ce Pacte n’est-il pas contraignant tout court, pour un petit Etat dirigé par un gouvernement peu sûr de lui-même?

Le premier principe s’intitule «Priorité à la dimension humaine»: Le Pacte mondial comporte une forte dimension humaine, inhérente à la migration même. Il promeut le bien-être des migrants et des communautés dans les pays d’origine, de transit et de destination. Il est donc centré sur l’individu. C’est, indirectement, exclure les questions migratoires du champ de la politique, laquelle fait passer le bien commun avant l’intérêt particulier.

L’engagement du cinquième objectif, «Faire en sorte que les filières de migrations régulières soient accessibles et plus souples», est ainsi formulé: Nous nous engageons à ménager des options et des filières de migration régulière pour faciliter la mobilité de la main-d’œuvre et le travail décent compte tenu des réalités de la démographie et du marché du travail, optimiser l’accès à l’éducation, défendre le droit à la vie de famille et répondre aux besoins des migrants qui se trouvent en situation de vulnérabilité, l’objectif étant de développer et de diversifier les filières de migration sûre, ordonnée et régulière. Un Etat peut-il envisager de signer un engagement aussi manifestement irréalisable?

Quant aux objectifs proprement dits, prenons le premier, qui concerne la collecte des données individuelles des migrants. Pour cela, il faudra, lettre a), élaborer et appliquer une stratégie globale d’amélioration des données sur les migrations aux niveaux local, national, régional et mondial, lettre b), améliorer la comparabilité et la compatibilité internationale des statistiques et des systèmes de données nationaux sur les migrations […] en élaborant un ensemble de critères permettant de mesurer les populations de migrants et les flux migratoires, lettre c), mettre au point un programme mondial de développement et de renforcement des capacités de collecte, d’analyse et de diffusion de données, lettre f), créer des centres régionaux de recherche et de formation sur les migrations, lettre h), réaliser des enquêtes auprès des ménages et de la population active. Les lettres vont jusqu’à k). Il en va de même pour les vingt-deux objectifs restants.

En quarante pages, le Pacte nous dessine un monde imaginaire, totalement logique, transparent et gratuit, sillonné par des individus partout semblables et partout chez eux; un monde de surface, où les cultures, les nationalités, les institutions et l’histoire des peuples ne sont que des vernis interchangeables, insignifiants au sens premier du terme; un monde centralisé, où les Etats ne sont plus que des subdivisions administratives relayant les décisions du centre; un monde aseptisé, où le mal n’existe qu’à cause de l’insuffisance des moyens d’action et du manque de cohérence dans la gestion de l’ensemble, gestion qu’évidemment seule une gouvernance mondiale est à même d’assurer. Un monde dont le centre reste implicitement l’Europe, dont tous les Etats sont riches et sans problèmes, pénétrés de rationalité moderne et conduits par le seul souci de respecter et de faire respecter les droits de l’homme.

Se dessine aussi une Organisation des Nations Unies confite dans sa prétention à la toute-puissance, se donnant implicitement comme la garante ultime de la politique et de la morale, du droit et de la justice. Et se dessine encore, en arrière-plan, la croissance vertigineuse de la bureaucratie humanitaire mondiale, de ses droits d’intervention dans la conduite des Etats nationaux et des sommes colossale qu’elle dépense annuellement.

L’idée force du Pacte, citée en tête d’article, est que les migrations actuelles et toutes celles qui se préparent sont une réalité inévitable, naturelle et bienfaisante, l’unique problème étant de régulariser les migrations irrégulières.

Si nous étions complotiste, nous dirions que le Pacte est la réponse habile et brutale des milieux mondialistes aux succès montants du populisme et des partis souverainistes: voyant que les Etats démocratiques peinent à tenir leurs peuples, les mondialistes financiers et humanitaires passent la vitesse supérieure. Ils imposent une diplomatie au niveau mondial qui court-circuite les nations, efface leurs frontières et réduit à rien leurs politiques migratoires particulières.

On peut signer ce pacte pour trois motifs. Le premier est la cupidité à courte vue des néo-libéraux (en l’occurrence néo-esclavagistes), pour lesquels les frontières ne font qu’empêcher le jeu naturel du marché mondial de la main-d’œuvre. Ils veulent planifier le déplacement tous azimuts de masses indéfinies de travailleurs-migrants, qu’ils rémunéreront aux salaires des pays d’origine.

Le second motif de signer est l’aveuglement méthodique de la gauche, sa propension à sacrifier le présent à un avenir idéalisé, son angélisme de croisière qui refuse de voir le mal et les risques du mal même quand ils sont évidents, son égalitarisme de principe, enfin, qui se fonde essentiellement sur la suppression des différences. Comme avec les mesures d’accompagnement, il faudra vingt-cinq ans à cette gauche pour prendre conscience que le Pacte est une menace – plus grave que celles de Bruxelles – pour les intérêts des travailleurs suisses qu’elle prétend représenter.

Il arrive enfin, c’est le troisième motif, qu’une société perde tout désir de vivre et de perdurer, qu’elle se persuade que sa propre civilisation a donné tout ce qu’elle avait à donner et que seule une injection massive de culture étrangère pourrait lui rendre quelque fraîcheur. Cette société lève les mains pour se rendre, tout en se persuadant que c’est pour accueillir les nouveaux venus. Elle attend la fin, et le Pacte en est une étape.

Les Etats-Unis, l’Italie, la Hongrie, l’Australie, la République tchèque, Israël, la Pologne, l’Autriche, la Bulgarie et la Slovaquie ont déjà annoncé qu’ils ne signeraient pas. D’autres, dont l’Allemagne, sont indécis. Après une consultation sommaire des commissions des Chambres, le Conseil fédéral avait décidé de signer. Toutefois, le Conseil des Etats vient d’adopter une motion demandant que le Parlement puisse en débattre. Si le Conseil national adopte la même attitude, il y aura débat aux Chambres. Dans ce cas, nous reviendrons en long et en large sur cette attaque sans précédent contre les nations du monde. Si le Conseil national refuse, tout tombe à l’eau et le Conseil fédéral aura les mains libres pour lier les nôtres.

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