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La fin de «Commentaires.com»?

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 2112 21 décembre 2018

Après vingt ans de service, M. Philippe Barraud ferme son site «commentaires.com». Les coûts de l’entretien du site, les insultes régulières et la vulgarité de beaucoup des commentateurs ont eu raison de son engagement. Et puis, à quoi bon ?, se demande-t-il. Les ultra-libéraux ont gagné la partie, la croissance à tout prix est devenue un dogme unanimement révéré, les protections sociales se voient partout démantelées, son lectorat est allergique à l’écologie. L’humanité court à sa perte, et elle s’en fout.

Alors M. Barraud, qui aura 70 ans l’année prochaine, a décidé de se retirer. Désormais, il contemplera la course des étoiles, à l’œil nu ou relié par internet à son télescope de location installé en Amérique du Sud, parcourra la nature en long et en large, gravira ses chères montagnes, en un mot, cultivera son jardin.

Dans un premier temps, nous voulions parler des nombreux journaux auxquels il a collaboré, de sa conception du rôle du rédacteur en chef qu’il fut à La Gazette, de l’ouvrage passionnant qu’il a consacré à un astronome vaudois et qu’il était venu nous présenter lors d’un de nos Entretiens du mercredi: «L’homme qui aimait trop le ciel. La trajectoire fulgurante et tragique de Jean-Philippe Loys de Cheseaux»1, de ses partis pris, parfois excessifs, de ses foucades antiracistes, de ses fureurs aveugles contre les présidents Trump et Poutine, des relations cycliques que nous entretenons avec lui; regretter sincèrement la perte objective pour le pays que représente la disparition d’un organe d’opinion; décrire enfin l’excellence de son style, fluide, sans rien en lui qui pèse ou qui pose, sans vides ni lourdeurs, parsemé de formules légères, parfumé d’une ironie plus légère encore. Mais ç’aurait trop eu l’air de solder un compte, voire de publier un éloge funèbre… et surtout, de tenir sa décision pour acquise.

M. Barraud est en toutes choses un homme de passion, il lui est pénible de se heurter à l’indifférence générale. Mais il lui sera tout aussi pénible de se taire durablement. Des nombreuses personnes qui ont écrit sur son site pour lui manifester leur reconnaissance et leur regret, plusieurs ont fait allusion à la possibilité d’entretenir un site plus léger, voire un simple blog.

Quant à l’efficacité, M. Barraud se trompe. Ecrire bien quelque chose de juste, même sans être beaucoup lu et encore moins suivi, a sa valeur en soi. Les ouragans de crises, pas seulement écologiques, qui nous menacent sont peut-être inévitables, ou peut-être pas. Mais la conviction qu’il y a toujours quelque chose à sauver ou à éviter, le sentiment de notre propre dignité et d’une solidarité naturelle avec nos contemporains et nos descendants nous interdisent de demander à quoi bon ? Il faut se relever et reprendre la marche.

Notes:

1  Ed. Corcaroli, 2015.

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