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CO2: efficacité ou culpabilisation?

Jean-François Cavin
La Nation n° 2113 4 janvier 2019

Cependant qu’à Katowice, en pleine région des célèbres charbonnages de Silésie, les gouvernements du monde tentaient de lutter contre le réchauffement climatique (la COP 24 semble avoir fait un pas en avant sur des questions d’organisation et de procédures), le Conseil national, à Berne, refusait un projet de loi visant à diminuer les émissions de CO2. Indignation quasi générale des commentateurs. Comment nos parlementaires peuvent-ils être aveugles à ce point quand la Terre est en péril? 

Ose-t-on encore le dire? Il convient malgré tout d’examiner si le projet était bon, c’est-à-dire efficace. Il contenait une série de mesures, dont quelques-unes pouvaient avoir une certaine portée. Mais les nouveautés les plus spectaculaires, sur lesquelles s’est focalisée l’opposition d’une partie de l’hémicycle, consistaient à augmenter les taxes sur les combustibles et les carburants. La hausse prévue n’était pas légère. Pour les combustibles, le maximum eût passé de 120 francs la tonne de CO2 (on dit que c’est déjà un record mondial) à 210 francs, pas loin du double. Pour les carburants, la taxe eût été haussée de 8 centimes par litre.

Le consommateur – gilet jaune ou pas – ne s’en serait pas bien porté, et l’environnement guère mieux. Le propriétaire d’une maison chauffée au mazout n’a que le choix de baisser d’un ou deux degrés la température de son intérieur; passer au gaz n’est pas idéal du point de vue des émissions de carbone; passer à l’électricité lui est interdit (pour des raisons environnementales: il faut économiser cette énergie dont on manquera sans le nucléaire); la pompe à chaleur exige d’importants travaux et le solaire (pas toujours possible) n’est qu’un appoint. La charge parafiscale ne va pas sauver la planète. L’amélioration de l’isolation des immeubles paraît plus avantageuse; c’est là qu’il faudrait mettre l’accent.

De même pour l’automobiliste. Quand l’essence était à deux francs le litre à la colonne, du fait d’une flambée du prix du baril, on n’a pas moins circulé en Suisse. Dans le budget du ménage, une hausse d’une dizaine de francs par mois est généralement supportable, et l’utilisation de la voiture s’impose en maintes circonstances.

Ces augmentations de taxes paraissent plus punitives que salutaires. On cherche à culpabiliser plus qu’à assainir. Les mesures efficaces pour la protection de l’environnement ont été le plus souvent d’ordre technique, liées à des obligations d’équipement ou à l’interdiction de certains procédés: épuration des eaux, que les poissons jugent aujourd’hui trop peu nourrissantes, filtrage des fumées industrielles, catalyseur pour les voitures, si bien que l’excès de soufre dans l’atmosphère appartient au passé, interdiction des aérosols, reprise obligatoire de divers appareils par les commerçants en vue de leur recyclage ou de leur élimination selon des méthodes sûres. Même des comportements volontaires se sont imposés avec un grand succès, comme le tri du papier et du verre, la condition étant que la population ait accès à des dépôts commodes.

Les taxes incitatives ont la faveur de certains, avec l’idée qu’elles sont un instrument «conforme au marché»; c’est une vue tant soit peu idéologique, même si le moyen peut être occasionnellement adéquat. N’en faisons pas la panacée, restons pratiques, restons concrets.

Le projet de modification de la loi fédérale sur le CO2 va maintenant au Conseil des Etats, dont d’aucuns espèrent qu’il acceptera ce que le National a refusé (par la conjonction des voix négatives d’une partie de la droite et des verts-roses qui trouvaient le texte trop mou). Il nous semble que le Conseil des Etats, pour faire un travail utile, devrait renvoyer le texte au Conseil fédéral afin que celui-ci modifie son approche, en visant moins de ponction fiscale et plus d’efficacité.

 

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