Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

A Monsieur J.-B. Rochat

Jean-Blaise RochatOn nous écrit
La Nation n° 2117 1er mars 2019

Cher Monsieur,

J’ai lu récemment votre réponse à la classe 11P2 de Bussigny dans le numéro 2116 de La Nation. Permettez-moi d’en faire à mon tour quelques commentaires.

Je dois dire que j’ai été extrêmement surpris de la réponse que vous adressez à cette classe – et donc à la jeunesse qu’elle représente –, réponse qui trahit il me semble une belle incompréhension de votre part, non seulement sur leurs propos et leur situation, mais également sur la problématique du réchauffement climatique. Alors qu’il s’agit de leur qualité de vie future qui est en jeu, et qu’ils essaient de défendre, vous avez donné l’impression de répondre par des considération presque futiles sur le QI des foules, la rébellion éternelle de la jeunesse et le méfait des taxes. Vous ne les comprenez tout simplement pas.

Dans cette foule, il n’y avait pas que des étudiants. Il y avait des chefs d’entreprise, des mères de famille, des économistes, des scientifiques et un prix Nobel. Il y avait un peuple uni par une cause dont il vaut la peine de faire la mobilisation de rue, même si elle catalogue gauchiste ou «mai68ard». Cette réalité-là, j’ai tout simplement peur que vous ne la saisissiez aucunement.

Le monde a changé. Hier, nous pensions que les sociétés humaines n’avaient pas d’influence sur le système climatique planétaire. Aujourd’hui, ce ne sont pas les idéologies qui le disent, mais les équations de physique, les modélisations climatiques basées sur des millions de relevés, et les moyennes de température qui grimpent: oui, l’homme est en train de réchauffer le climat au travers de la combustion de (déjà) 200 milliards de tonnes de pétrole (270 kilomètres cube soit trois fois le volume du lac Léman). Deux à trois degrés provoqueront des changements trop rapides et trop massifs sur les écosystèmes, les paysages, les sociétés humaines, les cultures. Ce monde magnifique que nous connaissons perdra à jamais la beauté de ses écosystèmes et la majorité les espèces qui les habitent.

Là réside le problème. Cette réalité-là, vous ne la croyez probablement pas. Par conséquent, il est somme toute logique que vous n’arriviez pas à comprendre qu’il faut maintenant que la classe 11P2 descende dans la rue jusqu’à ce que cela change, jusqu’à ce que les sociétés humaines stoppent cette combustion et la remplacent par de l’énergie durable (et il y en a assez). Le petit jardin de permaculture et l’élevage des abeilles, c’est presque une moquerie face à ce qu’il faut réellement changer.

Votre génération passera bientôt. Avec elle, cette ignorance des processus climatiques et cette négation de l’impact humain sur la température de notre monde. La génération qui suit, celle de la classe 11P2, n’est ni plus de droite, ni plus de gauche que la vôtre. Elle veut simplement vivre dans un monde beau, de la même beauté que celui que vous avez eu la chance de traverser. Alors, elle fait ce qu’elle peut, ce qu’elle a le droit de faire. Elle proteste. Elle réclame. Elle demande. Alors, soutenez-les!!! Comprenez-les!!!

Avec mes cordiales salutations,

Steve Tanner -Chef d’entreprise – chrétien engagé – présent dans la rue avec les étudiants, et solidaire avec la classe 11P2

 

Réponse à M. Tanner

Cher Monsieur,

Je vous remercie pour le courrier que vous m’avez adressé.

A la suite de la publication de la lettre de mes anciens élèves et de ma réponse, j’ai été invité à aller en classe pour débattre avec eux. Je n’ai pas été accueilli par des huées et l’échange s’est déroulé de manière courtoise. Il n’y a pas eu de véritable débat, parce que nous étions d’accord sur le point essentiel: la pollution de notre environnement est un sujet grave. Aussi puis-je vous rassurer: ils n’ont pas changé d’opinion. Tout au plus ai-je pu attirer leur attention sur les dangers des manifestations de masses dont je persiste à croire qu’elles sont plus guidées par les émotions et les passions que par la raison.

J’ai été surpris par le mépris que vous affichez à l’égard de l’action de mon collègue. C’est un travail patient qui demande beaucoup de compétence et de persévérance. Cette initiative a été récemment saluée par un article en pleine page dans le Journal de Morges, sous le titre (je cite de mémoire) «Des jeunes se bougent pour la planète». Nul doute que les participants à cette expérience conserveront des connaissances pratiques et un respect spontané pour la terre et les animaux qui la peuplent. Au moins, on est dans le réel. C’est moins spectaculaire, mais sans doute aussi estimable que de se serrer les coudes, le temps d’un feu de paille, sous des pancartes qui crient: «Elèves partout, Etat nulle part», «On est chaud comme le climat», «A ceux qui veulent détruire le monde, le monde répond résistance», «On nous gave de béton, on va chier des briques», «On veut un avenir», etc.

Votre lettre sera transmise aux élèves concernés, qui seront sans doute très fiers et de votre appui et de vos encouragements.

Avec mes cordiales salutations,

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: