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Local

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 2123 24 mai 2019

Une affiche recommande au passant de «consommer local». Regrettable germanisme, mais passons. «Local», terme clef de la pensée écologique, est ici synonyme de proche, d’authentique, de fiable. Consommer local, c’est éviter les intermédiaires entre le producteur et le consommateur. C’est acheter, même plus chère, sa nourriture directement à son voisin paysan, vigneron, boucher, boulanger. Pour les purs, c’est exercer soi-même tous ces métiers, et quelques autres, dans le cadre de la famille ou avec l’aide du voisinage immédiat. On pense au retour aux sources des années 1970, aux hippies et à leur refus des grands ensembles urbains, des excès de la technique, de l’anonymat d’un pouvoir politique à la fois lointain et encombrant. On pense aussi, évidemment, au film Les Babas-cool, pochade grinçante où le retour à la terre n’empêche ni l’hypocrisie, ni la cupidité, ni les abus de pouvoir.

Local ne signifie pas d’abord petit, mais relatif à un lieu, quel que soit son étendue. Et c’est encore consommer local que de consommer cantonal ou fédéral, de refuser le tourisme d’achat, qui vous fait franchir la frontière suisse pour gagner quelques francs sur le kilo de viande ou sur le paquet de lessive, et de n’acheter, en tout cas pour les produits courants, que ce qui est cultivé ou fabriqué dans le pays. Du point de vue écologique, cela permet de réduire la pollution due aux transports, de contrôler, un peu, les modalités sanitaires (engrais, pesticides, organismes génétiquement modifiés) et sociales (revenus décents pour les producteurs et leurs employés) de la production agricole. De même, la «traçabilité» d’un produit, qui fait qu’on peut remonter du point de vente au producteur, n’est possible que dans un cadre local, c’est-à-dire un cadre cohérent parce que soumis aux mêmes lois et où les mots ont la même signification.

Certes, les produits locaux sont plus chers, principalement à cause des conditions météorologiques et de l’exiguïté territoriale, ainsi que des exigences écologiques et sociales qui sont imposées à nos producteurs. Mettre ceux-ci en concurrence libre avec des producteurs étrangers qui n’y sont pas soumis est à la fois injuste, pour les producteurs suisses, et suicidaire, pour nous. Faire vivre les producteurs locaux est une exigence de solidarité communautaire et une nécessité politique à long terme.

Les deux initiatives pour la «souveraineté alimentaire» avaient probablement été lancées dans cette perspective locale. Elles étaient trop dirigistes et bureaucratiques, trop restreintes aussi – pourquoi réserver la souveraineté à l’alimentaire? – pour que nous puissions les soutenir. Mais la perspective était juste.

L’économie locale s’oppose, faut-il le dire, à une économie mondialisée, ou hors-sol, ou délocalisée, pour laquelle la terre n’est qu’un support indifférent, les employés, des forces de travail, les produits alimentaires, un investissement à rentabiliser au maximum et le plus rapidement possible. Lors de notre Entretien du mercredi du 15 mai dernier, «Contre la finance casino, pour une économie au service de l’homme», notre orateur, M. Jean-Marie Brandt, a expliqué qu’on élève des bovins en France, qu’on les transporte en Italie pour les faire abattre, puis qu’on ramène la viande au pays d’origine pour la découper et la conditionner. Le gain financier, réel, se paie d’une déshumanisation du travail et d’une fragilisation de la communauté politique.

Local suppose une relation d’appartenance réciproque entre les personnes et le lieu sur lequel elles vivent. Parlons même d’un enracinement… et, au fond, quoi de plus écologique qu’un enracinement? Malheureusement, il faut bien dire qu’en matière politique, et plus particulièrement de législation, les écologistes renâclent à adopter une attitude locale et à défendre des positions fédéralistes – le lieu législatif adéquat étant le canton, à cause de la (relative) unité de mœurs – et à agir en faveur des autonomies communales. Invoquant l’urgence, ils préfèrent généralement des lois hors-sol, centralisées et bureaucratiques. Il n’est pas sûr que cette attitude technocratique change face à l’«urgence planétaire».

Dans un autre ordre d’idées, le Tribunal fédéral a décidé récemment, sur la base du principe d’égalité, que l’école ne pourrait plus exiger des parents qu’ils prennent à leur charge les voyages d’études, camps de sport et autres excursions scolaires. La solution envisagée consiste à faire payer les communes. Nous suggérons une autre solution aux enseignants vaudois: qu’ils emmènent leurs élèves contempler les innombrables beautés naturelles et construites du pays. Coûts réduits, empreinte carbone négligeable, relations étroites avec la nature: voyagez local!

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