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Le fédéralisme différencié au parlement

Xavier Panchaud
La Nation n° 2123 24 mai 2019

La Confédération suisse s’est construite sur le principe fédéraliste. De petits Etats et des cités se sont fédérés pour conserver leur autonomie, leur personnalité, leurs droits. En le faisant, ils ne concluaient pas un simple contrat temporaire, mais s’engageaient par un serment garanti par la foi et l’honneur.

Fidèle à notre histoire institutionnelle, l’article 3 de la Constitution fédérale consacre le principe de la compétence générale – originelle – des cantons. Néanmoins, l’accumulation de compétences déléguées finit par constituer une quasi-compétence fédérale générale. Ce processus conduit à une distorsion progressive entre l’affirmation de principe et l’évolution concrète de notre système constitutionnel et légal. Dans les années huitante déjà, la Ligue vaudoise avait posé ce constat. Elle avait également ciblé le problème capital: il n’existe pas de mécanisme qui permette de suivre le chemin inverse de la centralisation et de restituer des compétences aux cantons.

Le fédéralisme helvétique est par ailleurs caractérisé par un manque de flexibilité en ce sens qu’il ne permet aucun statut distinctif pour un canton ou un groupe de cantons. Au contraire, il prévoit un type uniforme de relations entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés. Ainsi, lorsque la Constitution fédérale attribue une nouvelle compétence législative à la Confédération, tous les cantons lui cèdent une part identique de leur souveraineté législative. A cet égard, on peut dire que le fédéralisme suisse est unitaire. Concrètement, pour une même attribution législative nouvelle à la Confédération, un canton sera satisfait, pour de bonnes raisons, de voir cet objet traité à l’échelon supérieur alors qu’un autre canton, pour d’autres excellentes raisons, se sentira injustement lésé par cette perte de compétence et frustré de devoir appliquer une loi fédérale inadéquate à sa situation. Cette grande rigidité contrarie fatalement certains cantons et nuit ainsi à l’amitié confédérale.

Tous les pays pourvus d’un régime fédératif sont confrontés aux problématiques relatives à la répartition des compétences entre Etat central et unités fédérées. De son côté, le Canada a imaginé le système du «droit de retrait» (opting out en anglais). Ainsi donc, la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit un droit de retrait selon lequel une province peut se soustraire à toute modification qui va à l’encontre de ses pouvoirs législatifs actuels, de ses droits de propriété «ou de tout autre droit ou privilège» de son Assemblée législative ou de son gouvernement.

Inspirée par ce modèle canadien et dans l’optique de rénover notre fédéralisme, la Ligue vaudoise a théorisé, en 1987, le système du «fédéralisme différencié»1. Il s’agit d’un mécanisme permettant aux cantons qui le souhaiteraient, et sans que cela contraigne les autres à les imiter, de récupérer des compétences fédérales.

Un projet d’article constitutionnel avait même été rédigé. Voici sa teneur:

Article XXX2 (nouveau) :

1  Chaque canton peut demander pour lui-même la restitution d’une compétence de la Confédération. Cette restitution peut être complète ou partielle.

2  La demande est soumise à l’adoption ou au rejet du peuple et des cantons.

Ce système permettrait uniquement à un canton de retrouver une compétence qu’il a déjà transférée à l’échelon fédéral. De notre point de vue, il conviendrait de rajouter une disposition donnant l’occasion à un canton de refuser le transfert d’une compétence préalablement, soit avant la votation décidant l’attribution d’une nouvelle tâche à la Confédération. En effet, d’un point de vue pratique et pour favoriser la stabilité du droit, il semblerait avantageux d’éviter purement et simplement la centralisation, plutôt que d’engager la lourde procédure de restitution.

En bref, le projet prévoit un mécanisme permettant d’inverser la marche de la centralisation. Nous suggérons de le compléter par un système autorisant un canton à refuser pour lui-même la centralisation.

Quoi qu’il en soit, il s’agit de proposer des réformes destinées à instaurer un double processus de restitution et de différenciation dans nos institutions.

Pour l’anecdote, il est à noter que le concept de fédéralisme différencié – à tout le moins son appellation – a été repris par différents mouvements régionalistes tels que le Parti occitan et le Mouvement Région Savoie, ainsi que par des écologistes français.

Venons en finalement à l’actualité politique. Le 22 mars 2019, le conseiller national Jean-Luc Addor a déposé une interpellation intitulée «Le fédéralisme différencié: une idée pour la Suisse?». Dans son intervention, il demande d’abord au Conseil fédéral quelle est son appréciation du «droit de retrait» canadien. Il interroge ensuite le gouvernement sur l’opportunité d’introduire le fédéralisme différencié dans la Constitution fédérale.

La Nation ne manquera pas de vous informer de la réponse qui sera donnée à cette interpellation.

Notes:

1  Le site de la Ligue vaudoise y consacre son unique «dossier»: www.ligue-vaudoise.ch/index.php?page=dossiers

2    S’agissant d’un nouveau droit d’initiative, cet article devrait, selon nous, prendre la numérotation 139c dans la Constitution fédérale actuelle. Il pourrait s’intituler sobrement «Initiative cantonale».

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