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Le Procureur et la procédure

Olivier Klunge
La Nation n° 2123 24 mai 2019

Ces dernières semaines, le Procureur général de la Confédération, Michael Lauber, est mis sous pression par les médias et par son autorité de surveillance. Il lui est reproché de n’avoir ni consigné dans le journal de procédure ni tenu de recension des entretiens qu’il a menés avec le nouveau président de la FIFA, Gianni Infantino, apparemment au sujet de la procédure pénale en cours contre le prédécesseur de ce dernier, Joseph Blatter. Le Procureur semble même avoir oublié un de ces rendez-vous dont on trouve pourtant des traces dans son agenda.

Le 13 mai dernier, le Tribunal pénal fédéral avait admis la demande de récusation du procureur fédéral Patrick Lamon, dans la procédure à l’encontre de Gulnara Karimova, fille de l’ancien président ouzbek, car le procureur avait rencontré les autorités judiciaires ouzbeks en dehors de toute commission rogatoire.

En 2011, le prédécesseur de M. Lauber n’avait pas été reconduit. Les parlementaires fédéraux lui reprochaient son manque de résultats, mais aussi d’avoir engagé comme informateur un ancien baron de la drogue, dans le cadre des poursuites contre le banquier Oskar Holenweger. Ce dernier était sorti acquitté mais ruiné et socialement détruit du procès initié par le Ministère public de la Confédération (MPC). D’autres affaires de ce type ont émaillé l’histoire récente de cette autorité.

Ces violations des règles de procédure sont-elles si graves?

Certes, les règles procédurales peuvent parfois paraître tatillonnes et les prévenus chercher à les détourner en vue de faire obstacle à la justice. Certes, tout homme, même à une fonction judiciaire, est faillible.

Cependant, le nouveau Code de procédure pénale, avec la disparition des juges d’instruction, donne au procureur un rôle central dans la poursuite pénale: il décide d’ouvrir une instruction, il est responsable de la conduire et porte enfin l’accusation lors du procès. Il n’est pas exagéré de dire que, dans la (parfois longue) phase d’instruction, le procureur tient le destin (du moins judiciaire) du prévenu entre ses mains.

C’est l’ouverture d’instruction par le MPC qui a justifié la suspension par les instances de la FIFA de M. Blatter du poste de président auquel il avait pourtant été peu avant brillamment réélu, signifiant la fin abrupte de sa carrière et une déchéance médiatique et sociale. Un procureur peut aussi séquestrer, parfois pendant des années, les avoirs d’un prévenu, le condamnant à la faillite et parfois à l’indigence.

Ce large pouvoir du procureur doit donc être compensé par les droits du prévenu, d’une part d’être défendu par un avocat durant l’ensemble de la procédure, d’autre part de pouvoir y participer pleinement en étant informé de tous les actes d’instruction et d’avoir le droit d’en requérir.

Si le procureur ne respecte pas le droit de procédure, par exemple en n’informant pas le prévenu des entretiens qu’il a eus avec des tiers, l’équilibre voulu par le législateur est affecté et la justice ne peut être rendue correctement. Comme maître et garant de la procédure d’instruction, le procureur doit respecter scrupuleusement la loi; c’est la condition d’un procès équitable. Le Procureur général de la Confédération, comme chef du MPC, incarne cette autorité. Ce rôle lui impose aussi un devoir d’exemplarité.

Alors, oui, la violation des règles procédurales par le Ministère Public est grave, parce que notre système de répression pénale est fondé sur l’équilibre entre les droits de la défense et les exigences de répression. Les prévenus comme le public doivent pouvoir compter sur l’impartialité et l’intégrité des procureurs.

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