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Cent ans de Jeunesses, cent ans d’amitié vaudoise

Félicien Monnier
La Nation n° 2124 7 juin 2019

L’été 2019 verra le Pays de Vaud se dévoiler comme il ne l’a peut-être jamais fait. Sur l’arc lémanique, la Fête des Vignerons rassemblera des centaines de milliers de spectateurs du 18 juillet au 11 août. Elle célébrera l’année viticole, l’écoulement des saisons, les métiers de la vigne et du vin. A Vevey, les Vaudois vivront leur Fête nationale.

Mais ce n’est pas tout. Après Mathod en 1948, le Mont-sur-Lausanne (1953), Froideville (1958), Cuarnens (1963), Arnex-sur-Orbe (1968), Puidoux (1973), Mathod à nouveau (1978), La Chaux-sur-Cossonay (1983), Bretigny-sur-Morrens (1988), Mézières (1993), La Vallée de Joux (1998), Thierrens (2003), Bavois (2008) et Colombier-sur-Morges (2013), Savigny deviendra, du 3 au 21 juillet 2019, le centre de gravité de la campagne vaudoise.

La Fête cantonale de la Fédération vaudoise des Jeunesses campagnardes (FVJC) aurait dû avoir lieu l’an dernier. Mais le Vaudois sait se montrer patient. 2019 marque le centième anniversaire de la constitution, par vingt-six sociétés de jeunesse, le 24 mai 1919, de la FVJC, appelée couramment «Fédé». Il s’imposait de marquer ce centième anniversaire par une Cantonale «de sorte». A côté de la Fête elle-même, la FVJC a organisé une manifestation officielle le 24 mai dernier, a publié un ouvrage, monté un reportage télévisuel et mis sur pied une fanfare du 100e… Chacune de ces réalisations mériterait un article. Nous y reviendrons!

Dans les mémoires, l’édition de la Cantonale de Thierrens a marqué en 2003 le franchissement d’une barrière invisible. La Cantonale des Jeunesses a comme décollé pour acquérir une stature quasi-institutionnelle. On en parle avec admiration, pour le travail fourni, pour l’esprit d’initiative, pour l’esprit de corps de leurs membres dont les plus jeunes ont à peine seize ans. On prend un air sérieux pour se poser en connaisseur du tissu socio-économique de la campagne vaudoise: «Ah mais… celui qui peut mettre sur son CV avoir organisé une Cantonale comme président: je l’engage tout de suite!» Les chiffres d’affaires réalisés depuis 2003 sont très haut, mais là aussi, la mémoire collective s’emballe pour entrer dans la légende, non pas urbaine, mais bien campagnarde. «Un million de chiffre à Thierrens!» En réalité personne n’en sait rien. L’exagération est l’un des modes du respect.

Un respect qui porte encore plus sur les réalisations concrètes des comités d’organisation. En 2008, les membres de la Jeunesse de Bavois avaient construit un parasol géant, abritant la tonnelle, le vaste bar à bière circulaire trônant au centre de la place de Fête. Un moteur en faisait se déployer la toile. On doit aussi à Bavois une invention révolutionnaire, pour ainsi dire. Les soirs des samedis peuvent réunir jusqu’à plus de 10’000 personnes autour de la tonnelle. Etant au centre de la place, elle sera dès lors d’accès difficile pour qui doit la ravitailler. A moins de construire un tunnel! A Bavois les boissons furent apportées par un wagonnet, posé, de mémoire, sur un bras de grue de chantier sous le public. A Colombier, des conteneurs de marine enterrés permettaient de circuler sous la place de fête en transpalette électrique. Mais là aussi, pour qui ne côtoie les jeunesses que très sporadiquement, la légende n’est jamais loin.

Etre d’une jeunesse ne signifie pas seulement faire la fête lors des manifestations. Le soussigné a quitté la Jeunesse d’Arnex en entrant à l’Université, répondant aux sirènes lausannoises des sociétés d’étudiants. Il a pu voir combien leurs effets sur une jeune personne de vingt ans sont comparables. On y réalise que l’amitié n’est pas, d’abord, une question de choix. On y développe la double fierté de recevoir de ses anciens et de donner à ses successeurs. En cela, placé dans un milieu qui nous préexistait, on comprend alors que l’amitié s’épanouit dans des cadres. Ces cadres sont d’autant plus rassembleurs qu’ils sont formateurs. Ils en deviennent, à proprement parler, des creusets. Mais il y a plus.

Les Sociétés de jeunesses sont réputées pour l’audace constructrice qui marque leurs manifestations. L’organisation de ces manifestations est le vrai ciment des sociétés de jeunesse. Aussi ce mortier agit-il à deux niveaux. Au niveau de la société de village, il rassemble les membres dans un même projet. Au niveau du Canton, chaque fête est l’occasion de se soutenir les uns les autres en participant aux girons, rallyes, tours ou camps de ski. L’organisation de l’édition suivante est souvent motif à d’âpres compétitions. Le vainqueur emportera le droit de travailler comme un fou durant plus d’une année… pour cinq jours de fête. Et d’être attendu au tournant. Les Jeunesses ne sont donc pas seulement le lieu d’un engagement, elles en sont aussi la finalité, au moins partiellement. Il y a là une émulation réciproque qui profite à tout le Pays, par les liens qu’elle tisse, entre les personnes et entre les âges.

Vive la Fédé! Et que la fête soit belle!

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