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Le retour de la race

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 2132 27 septembre 2019

Certains antiracistes contestent la pertinence même de la notion de race, imprécise, arbitraire et fondée sur des critères pseudo-scientifiques. Le mieux serait donc d’éliminer du discours public ce concept vide et dangereux. C’est ce qu’a fait, le 12 juillet 2018, l’Assemblée nationale avec l’article premier de la Constitution française, selon lequel la France […] assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Les députés ont voté, à l’unanimité, en l’absence, il est vrai, des représentants du Rassemblement national, la suppression de la référence à la race.

Et voilà qu’à peine mise hors-jeu, la race nous revient en force avec la théorie du «racisme systémique». Cette théorie, promue par les milieux antiracistes les plus virulents, affirme que le racisme est ancré au cœur même de la civilisation occidentale blanche. Vous, qui pensez n’être pas raciste, qui pensez même être un antiraciste convaincu, vous n’en êtes pas moins raciste, puisque vous êtes un Blanc et participez de la «culture blanche». Vos références philosophiques, artistiques et littéraires, votre histoire personnelle et collective, votre comportement quotidien, votre humour, vos idées reçues, tout en vous est marqué en permanence par la conviction que les Blancs sont supérieurs aux autres races. Le racisme n’est pas une question morale. C’est une question de structure sociale.

Dans un exposé, tenu à l’Université d’Evergreen, dans l’État de Washington, et diffusé sur internet1, Mme Robin DiAngelo, l’un des phares de cette théorie, formule la chose ainsi: la question n’est pas, était-ce raciste ? mais comment était-ce raciste ?

Dans la foulée, le footballeur Lilian Thuram a déclaré qu’il y a du racisme dans la culture italienne, française, européenne et plus généralement dans la culture blanche. La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) a déploré ces propos, qui témoignent des risques d’une dérive du combat antiraciste. Les antiracistes de pointe diront que la LICRA en est restée à «l’antiracisme de grand-papa».

Dans la perspective du racisme systémique, le Blanc, majoritaire et dominateur, actualisant sournoisement le colonialisme et l’esclavagisme d’autrefois, enferme les personnes de couleur, en particulier les Noirs, dans une définition raciale qui les infériorise et les humilie. On retrouve ici la thèse de Sartre et de Max Frisch, selon laquelle c’est le regard perverti de l’antisémite qui crée le Juif. Dès lors, si des personnes de couleur empêchent un conférencier blanc de s’exprimer sur la question, ce n’est pas du racisme, mais un acte de légitime défense contre la domination blanche, une prise de parole libératrice. Et une agression raciste contre un Blanc n’est qu’une agression, certes regrettable, mais rien de plus. D’où la formule trompeuse, qui fait florès en France, il n’y a pas de racisme anti-Blanc.

Accordons-nous trop d’importance à une mystification académique? D’expérience, les «avancées» égalitaires qui nous viennent des États-Unis exercent toujours une certaine influence sur nos universités, nos médias, nos politiciens et, finalement, sur nos lois. Il importe de s’en préoccuper.

Pour ceux qui protesteraient de leur non-racisme, Mme DiAngelo a créé un «concept» tout exprès, la «fragilité blanche». De quoi s’agit-il? Il arrive qu’un Blanc ne supporte pas qu’on lui rappelle son caractère intrinsèquement raciste. Alors il se contorsionne en vaines argumentations et démonstrations pour échapper à l’évidence. Mais il ne démontre que sa faiblesse et son refus pathologique de la réalité.

Mme DiAngelo, qui invoque volontiers son statut de sociologue et de scientifique, oublie que le propre d’une théorie scientifique est de s’offrir à la réfutation. Elle nous présente la théorie du racisme systémique comme étant au-delà du réfutable: la contester, demander des preuves, c’est déjà faire preuve de racisme. On sort ici du domaine de la science, fût-elle sociale, pour entrer dans celui de la pression idéologique.

Le Blanc serait, selon Mme DiAngelo, totalement incapable de se libérer de ses déterminismes racistes. Or, Mme DiAngelo étant une Blanche, son discours ne peut, selon ses propres dires, être interprété autrement que comme une manœuvre (blanche) pour imposer sa volonté (blanche) de régir les relations interraciales du haut de sa supériorité (blanche). Et toute sa théorie n’est en réalité que la manifestation de sa propre «fragilité blanche». Le fait que, dans la vidéo, elle parle ex cathedra, qu’elle soit seule à tenir le micro et que toute contestation soit impensable (sous peine de racisme) renforce cette interprétation.

La théorie du racisme systémique conduit à la condamnation de tout ce qui prétend à l’universalité, qu’il s’agisse des religions monothéistes, des philosophies grecque, médiévale et moderne, de l’art sous toutes ses formes, mais aussi de la démocratie libérale, des droits de l’homme, des Nations Unies et même de l’action humanitaire, toutes inventions des Occidentaux et instruments de leur impérialisme. Sur certains points, ce n’est d’ailleurs pas faux, mais c’est un autre sujet.

Par un contresens dramatique, beaucoup de nos contemporains pensent lutter contre le racisme en s’en prenant au sentiment d’appartenance nationale, comme si le racisme n’était que du nationalisme poussé jusqu’au bout.

Or, la nation et la race ne sont pas des réalités collectives de même niveau. La nation est une œuvre humaine, le résultat d’un effort politique conduit sur des générations pour établir dans la paix et la sécurité une communauté territoriale différenciée et structurée. La race est une donnée basique concernant un ensemble d’individus définis par leur statut biologique. Faisant écho à la nature à la fois corporelle et spirituelle de l’être humain, la nation est tout ensemble enracinée – dans l’histoire et le territoire – et universelle – dans ses créations majeures. La race, au contraire, ne retient de l’homme que son animalité et l’y enferme sans lui laisser d’espoir d’en sortir. La nation est inclusive et, par l’assimilation, peut s’incorporer des gens de toute provenance ou couleur, pour autant qu’ils se plient aux lois et usages du lieu. La race est exclusive, elle n’assimile pas. Le bien commun national suscite, entre tous les habitants, un certain cousinage de mœurs qui met en valeur les différences, englobe les oppositions et relativise les tensions, raciales ou autres. Dans une société multiraciale, une politique fondée sur la race débouche, au mieux, sur une coexistence inquiète, au moins bien, sur un développement séparé (apartheid), au pire, sur une guerre civile sans merci pour la suprématie raciale.

Lorsque sa communauté nationale se désagrège et qu’il ne s’y retrouve plus, l’homme est tenté – tant le besoin d’une appartenance collective lui est essentiel – de se rabattre sur l’appartenance raciale, qui a au moins pour elle une évidence indiscutable. Mais c’est une régression vers la barbarie. En cela, les propagateurs de la théorie du racisme systémique, qui racialise a priori les relations sociales, ceux aussi qui l’accueillent avec complaisance, par lâche convenance ou dans l’idée absurde de faire pénitence pour des fautes qu’ils n’ont pas commises, font preuve d’une irresponsabilité criminelle.

Notes:

1  https://youtu.be/u54cAvqLRpA

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