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La révision de la loi vaudoise sur l’exercice des droits politiques

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 2133 11 octobre 2019

L’avant-projet de révision de la loi vaudoise sur l’exercice des droits politiques1 contient beaucoup de modifications de détails et de mises à jour n’appelant pas de commentaires. Elle contient aussi quelques nouveautés d’importance.

Deux idées dans l’air n’ont pas été retenues. L’introduction du vote électronique a été repoussée, peut-être pour longtemps: le système n’est pas encore au point et le citoyen se méfie. Nous ne nous en plaindrons pas, car ce genre de «progrès» technique rend la politique toujours plus abstraite et désincarnée. Quant au référendum dans les communes à conseil général, l’administration vaudoise a jugé, à raison, qu’il n’avait pas sa place dans le système de démocratie directe intégrale qu’elles pratiquent.

Désormais (art. 25 et suivants), les partis devront présenter leurs comptes. Les associations et les comités d’action qui prennent part à des élections ou à des votations ne devront présenter que leurs comptes de campagne. Les uns et les autres devront publier les noms des entreprises ou associations contribuant à leurs finances. Pour les individus, on ne le fera qu’à partir de Fr. 5000.–: il paraît que le soutien individuel est moins susceptible d’être intéressé que celui des entreprises ou associations. Il s’agit en principe d’améliorer la «transparence» dans les campagnes politiques, mais en réalité, la mise en évidence de grosses disparités financières entre les partis va surtout pousser les moins riches d’entre eux – puis les autres! – à exiger, au nom de l’égalité et de la justice, leur financement par l’Etat.

L’Etat pourra intervenir davantage lors des votes populaires (art. 31). Cela ouvre la porte à pas mal de manœuvres, en particulier sur les sujets chauds, où les membres du Gouvernement confondent facilement la recherche du bien commun et la promotion de leur idéologie personnelle. Le Rapport assure que l’Etat respectera «les principes de transparence, d’objectivité et de proportionnalité». Ça ne coûte rien de le dire.

De toute façon, il faut distinguer les niveaux cantonal, communal et fédéral. Quand il s’agit de lois votées par le Grand Conseil, parfois avec d’importantes modifications par rapport au projet d’origine, une retenue prudente de la part du Conseil d’Etat s’impose. De plus, et surtout, l’alliance du Gouvernement – qui se doit à tous les citoyens – avec un certain nombre de citoyens dans le but d’en combattre d’autres, est fondamentalement malsaine. Ces deux motifs justifient que l’exécutif laisse les membres du législatif aller eux-mêmes au front. Après tout, c’est leur loi.

Pour les votes communaux, les interventions de l’Etat devraient rester exceptionnelles. L’Etat se mêle déjà trop et trop profondément des affaires communales.

En matière de votations fédérales, en revanche, il est souhaitable et même nécessaire que le Gouvernement vaudois prenne une position publique et engagée chaque fois qu’une compétence cantonale est menacée par une loi centralisatrice.

Les bulletins blancs seront désormais considérés comme des votes exprimés (art. 36). Mais ils n’interviendront pas dans le décompte des voix et la décision populaire proprement dite. Si, par exemple, les scrutateurs dénombrent 40 bulletins portant un oui, 30 portant un non et 50 bulletins blancs, c’est quand même le oui qui l’emporte. Toutefois, dans le cas d’une élection selon le système majoritaire à deux tours, les blancs seront pris en compte pour l’établissement de la majorité absolue au premier tour et de la majorité relative au second tour. Cela se tient.

L’article 85 actuel prévoit que les communes dotées d’un conseil général élisent leur municipalité et leur syndic en un seul jour. L’avant-projet supprime ce régime spécial, sous prétexte que «se déplacer au local de vote pour exprimer son suffrage n’est plus aujourd’hui dans les habitudes des Vaudois.» Il serait donc possible d’avoir besoin de quatre votations, à des jours différents, pour faire ce qu’on fait actuellement en deux heures. «Auparavant, nous dit-on encore, l’élection de la municipalité et du syndic sur une seule journée revêtait un caractère de fête populaire dans les petites communes. Cet engouement s’est aujourd’hui estompé.» L’ennui, c’est que ce n’est pas vrai. L’«engouement» ne «s’estompe» pas, ou guère. Et quand le Rapport invoque l’inégalité dont souffriraient les communes à conseil général parce qu’elles ne peuvent voter par correspondance que pour le premier tour, il charrie, comme il charrie quand il décide que la population des petites communes pourra désormais réfléchir plus posément avant de se prononcer. Il n’y a pas de motif de supprimer un système traditionnel simple, rapide et peu coûteux. A elle seule, cette modification justifierait un rejet de l’ensemble.

L’avant-projet (art. 120) introduit le principe du retrait conditionnel d’une initiative en cas de contre-projet. En d’autres termes, les initiateurs peuvent annoncer qu’ils retireront leur initiative si le contre-projet du législateur est accepté par le peuple. Le principe même du retrait d’une initiative est discutable, car les signatures des citoyens correspondent à un mandat précis et, à notre avis, ne sont pas à la libre disposition du comité d’initiative. Le retrait conditionnel ajoute au système un (léger) moyen de chantage sur les députés. Surtout, nous ne cessons de le dire, la démocratie directe doit être simple et claire. Toute complication non rigoureusement indispensable doit être évitée. Evitons donc cette complication-là!

L’avant-projet contient également des modifications de la loi sur les communes. En particulier (art. 5), pour être assermenté lors d’une séance du conseil général, il faudra en faire la demande douze semaines avant. Le but est d’éviter ce que le Rapport nomme des «assermentations opportunistes», destinées à faire passer ou à faire échouer un projet particulier. Aujourd’hui, le système est simple: on arrive au conseil général, on prête serment et on participe d’emblée de plein droit aux décisions du conseil. C’est très bien ainsi, mais il arrive que septante personnes demandent leur assermentation le même soir, votent massivement sur l’objet qui les intéresse et ne reviennent jamais. Le président est gêné de devoir présider une comédie, les membres ordinaires du conseil sont furieux de devoir se lever pour y assister. De plus, le quorum, soit un tiers des membres assermentés, risque de ne pas être atteint les séances ultérieures. Le délai d’attente de douze semaines devrait empêcher ce genre de «menées», en tout cas dans la mesure où la liste des objets traités par le conseil n’est pas encore connue. Nous saluons cette nouveauté.

Pour verrouiller le dispositif, l’avant-projet prévoit encore (art. 16a de la loi sur les communes) que le conseil général, à la majorité des deux tiers, pourra exclure un membre qui manque deux séances consécutives sans justes motifs. L’accusé aura toutefois la possibilité de se défendre devant le plenum. Ce genre de petits procès sans règles de procédure n’est pas une bonne chose. Il sera fatalement générateur de conflits, y compris de conflits n’ayant rien à voir avec le but de la disposition.

Il faudrait plutôt examiner la possibilité de frapper les absents d’une amende significative. Ce serait une sanction plus ciblée, plus discrète et, selon son montant, assez dissuasive.

Il y a du bon, du discutable et du pas bon. Nous attendons la version définitive du Conseil d’Etat.

Notes:

1  On trouvera tous les documents téléchargeables sur le site officiel: www.vd.ch.

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