Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

La votation sur l’asile

Jean-François Cavin
La Nation n° 2044 13 mai 2016

Cette votation n’a pas beaucoup d’importance et le texte porté par Mme Sommaruga n’est peut-être qu’une manœuvre de diversion pour masquer les insuffisances de la politique actuelle. Cette révision de la loi de 1998 (c’est déjà la cinquième, depuis le temps qu’on bricole), combattue en référendum par l’UDC, ne traite aucun des problèmes principaux: ni la définition de l’asile (droit discrétionnaire de l’Etat ou droit individuel du requérant?), ni l’afflux des faux réfugiés, ni l’industrie des passeurs, ni l’effondrement du système de Dublin (inadapté à la migration de masse), ni l’entrée dans la clandestinité des demandeurs d’asile déboutés ou las d’attendre.

Officiellement, le but principal est d’accélérer le traitement des demandes, ce que tout le monde souhaite (sauf certains requérants qui perdent opportunément leurs papiers d’identité). A cette fin, on créerait des centres fédéraux où seraient réunies toutes les personnes et organisations parties prenantes à la procédure: outre les candidats réfugiés, les personnes chargées de les interroger ou de vérifier les documents, les traducteurs, les rédacteurs de procès-verbaux, les représentants juridiques et les conseillers en matière de retour; cela permettrait, espère-t-on, de boucler la procédure le plus souvent dans les 140 jours. Il est plausible que ce regroupement favorise la rapidité de traitement. Mais les opposants font valoir que la durée moyenne de la procédure, de 180 jours selon eux dans 80% des cas, ne serait pas spectaculairement raccourcie, d’autant plus que les 140 jours de présence maximale (sauf prolongation...) dans un centre fédéral n’excluraient pas que le traitement de la demande dure davantage; le requérant serait alors attribué à un canton pour un temps allant jusqu’à une année. De même, les délais abrégés pour les prises de décisions ne sont que des délais d’ordre dont l’inobservation est dépourvue de sanction.

Ajoutons ceci, qui a son importance: nous ne discernons pas en quoi le droit actuel, qui institue déjà des centres fédéraux, empêche de concentrer les intéressés et les opérations en certains lieux.

Un conseiller et représentant juridique serait attribué gratuitement à tout demandeur (sauf refus de sa part), ce que le Conseil fédéral justifie par le raccourcissement du délai de traitement. Les opposants y voient une cause prévisible de lenteur, les juristes s’entendant à faire durer les procédures. C’est un risque, et l’on peut juger luxueux, en période de crise migratoire, de généraliser cette assistance, alors que la présence d’observateurs des œuvres d’entraide est déjà garantie. Mais l’arrivant, le plus souvent démuni, ne connaît en général pas nos langues et nos usages; le conseiller qualifié, dévoué à son client, est aussi un auxiliaire de la justice dans la mesure où il éclaire le demandeur sur sa situation et sur ses chances; il serait d’ailleurs légalement tenu de le faire.

Le régime envisagé est testé depuis quelque temps dans un centre-pilote de Zurich. Le Conseil fédéral dit que c’est un succès: traitement plus rapide et baisse du taux de recours. Mais les opposants rétorquent que ce centre-pilote dispose d’un personnel une fois et demie plus nombreux qu’ailleurs.

La création de centres fédéraux – de dimensions importantes puisqu’ils doivent accueillir au moins 350 requérants, sans compter les services administratifs – serait décidée par le Département fédéral de justice et police (DFPJ), son approbation couvrant toutes les autorisations requises par le droit fédéral et aucun permis ou plan cantonal n’étant nécessaire. Le projet ajoute: «Le droit cantonal est pris en compte dans le cadre de la procédure d’approbation des plans et de la pesée des intérêts.» «Pris en compte»? «Pesée des intérêts»? Cela signifie que le droit cantonal, même impératif pour tout un chacun, ne serait pas forcément appliqué. On peut imaginer l’implantation d’un centre en pleine zone agricole ou dans un site protégé. Le pouvoir du DFJP s’étend d’ailleurs jusqu’à l’expropriation; à tort à nos yeux, car il n’existe aucune nécessité absolue de construire à tel endroit plutôt qu’à tel autre. Mme Sommaruga minimise: on n’expropriera que dans des cas extrêmes. Peut-être; mais les textes légaux n’en existent pas moins et témoignent d’une désinvolture inadmissible envers les cantons, les communes et les particuliers. On peut même prétendre, la Confédération pouvant déjà établir des centres pour requérants, qu’il s’agit là de la pointe de la révision.

Nous penchons donc pour le non, aucun argument n’étant par ailleurs déterminant en faveur de cette révision largement faite de faux-semblants.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: