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Non à de nouvelles procédures contre le logement

Olivier Klunge
La Nation n° 2045 27 mai 2016

Après quelques rebondissements concernant le «paquet logement», le Grand Conseil vaudois a adopté, le 10 mai dernier, un compromis dont nos politiciens ont le secret: on bricole une loi qui ne sert à rien, mais qui permet à quelques élus de sauver la face et de se targuer de «faire quelque chose». L’absence d’effet sur la pénurie de logements sera ensuite imputée aux concessions faites à l’autre bord…

La population vaudoise ne gagne rien à ces mises en scène et elle doit refuser la nouvelle loi sur la préservation et la promotion du parc locatif (dont l’acronyme boursouflé est LPPPL!) en commençant par soutenir le référendum, dont les cartes sont jointes à la présente édition.

Un droit de préemption étatique…

Le point le plus dangereux de la nouvelle LPPPL est l’introduction d’un droit de préemption étatique. La presse en a minimisé la portée en le présentant comme un droit réservé aux communes, essentiellement dans les villes du Canton. Le texte légal (article 31 LPPPL) prévoit en fait que ce droit s’exerce sur toute parcelle de plus de 1’500 m2 (constructible ou non), ainsi que sur les parcelles plus petites dans un «périmètre compact d’agglomération ou dans un centre cantonal reconnu par le plan directeur cantonal, ou si elle est attenante à un terrain propriété de la commune». Les terrains concernés sont donc nombreux et dépassent largement le cadre des biens pouvant réellement intéresser une commune pour du logement d’utilité publique. La seule réelle exception concerne les transactions dans le cadre familial.

Par ailleurs, l’article 34 LPPPL prévoit que la commune peut céder son droit de préemption à l’Etat!

Les articles suivants nous apprennent que tant le vendeur que l’acquéreur évincé par l’exercice d’un tel droit de préemption jouiront respectivement d’un droit de réméré et d’emption1, si la commune ou l’Etat ne dépose pas un permis de construire dans un délai de trois ans, voire de cinq ans si la demande nécessite une adaptation du plan d’affectation.

Mentionnons encore en passant que la commune ou l’Etat (donc le contribuable) pré-empteur devra payer tous les frais de l’acte annulé, ainsi qu’une «juste indemnité couvrant les frais engagés dans le cadre de la conception du projet immobilier rendu caduc».

… illégitime et inutile

Un droit de préemption étatique est une forme d’expropriation du particulier désireux de céder son bien. Si une telle mainmise de l’Etat sur la propriété privée peut se justifier, elle doit être strictement circonscrite à des cas où cette mesure est le seul moyen de préserver le bien commun. Son exercice doit se faire d’une manière aussi respectueuse que possible des intérêts du particulier touché.

Ici, il n’en est rien. D’une part, la procédure mise en place est disproportionnée et inefficace. Alors que les communes et l’Etat ne seront en pratique intéressés que par un nombre infime de terrains, la plupart des transactions immobilières en dehors du cadre familial devront pâtir du délai de deux mois et des incertitudes liées à ce droit de préemption. Même les terrains densément construits où il n’est envisageable de construire aucun logement supplémentaire sont touchés…

Par ailleurs, le prix convenu pour un terrain (prix auquel le droit de préemption s’exercera) peut être payé partiellement en nature (échange avec un autre terrain, avec un appartement à construire dans le projet) ou associé à des liens entre les parties (prix diminué en vue d’une succession d’entreprise, prix variable selon le projet réalisé). Comment ces clauses particulières seront- elles prises en compte lors de l’exercice du droit?

D’autre part, le délai de quarante jours laissé aux communes, puis de vingt jours à l’Etat, n’est manifestement pas suffisant pour réunir la Municipalité, prendre la décision, consulter le Conseil communal ou général, voire le Conseil d’Etat pour relever le plafond d’endettement de la commune, puis négocier avec un institut de prêt pour enfin acquérir le terrain. Ce droit de préemption est donc inutilisable, mais ralentira l’ensemble des transactions immobilières.

De plus, le texte légal donne entre trois et cinq ans à la commune ou à l’Etat pour déposer une demande de permis. Il n’y a pas de délai de traitement de ladite demande par les services de l’Etat et de la commune, processus qui peut prendre douze mois, puis l’autorité aura deux ans pour commencer les travaux… On est loin d’une réaction immédiate à la pénurie de logement. D’expérience, un promoteur acquérant un terrain a généralement déjà étudié le projet qu’il entend construire et dépose une demande dans un délai de trois à neuf mois. S’il est exercé, le droit de préemption aura donc pour effet d’allonger le délai de construction de logements; sans même évoquer ici le fait que l’Etat ne devrait pas se substituer à l’économie privée, ni son incapacité à le faire de manière efficiente.

Les communes et l’Etat sont aujourd’hui déjà d’importants propriétaires fonciers. Il serait intéressant de faire l’inventaire des terrains thésaurisés par ces acteurs et le potentiel de construction de logements d’utilité publique, sans exercice du droit de préemption.

Conclusion

Dans nos articles précédents2, nous avions soutenu certaines mesures incitatives en faveur des logements d’utilité publique. Nous avions aussi salué la volonté de simplifier les changements d’affectation de locaux et de limiter les contrôles sur les loyers, en particulier en matière de rénovation. Sur ce point, le Parlement est malheureusement revenu en arrière, renforçant un système d’autorisation bureaucratique et menant à une détérioration du parc locatif.

Le paquet aujourd’hui voté par le Grand Conseil n’apporte donc que peu de réponses réelles au problème de la pénurie du logement. Par contre il introduit et renforce plusieurs mécanismes de contrôle et de mainmise étatiques sur la propriété foncière, s’inspirant d’un modèle genevois qui a fait ses preuves en matière de blocages et d’abus. L’ASLOCA Vaud, estimant qu’elle avait obtenu le maximum politiquement imaginable, a d’ailleurs décidé de retirer son initiative. Le statut quo est donc une solution nettement meilleure à l’adoption de cette nouvelle LPPPL. Une reprise des éléments incitatifs sur les logements d’utilité publique pourra être envisagée dans une révision légère du cadre législatif actuel.

Il convient donc de repousser ce paquet mal ficelé, inutile et néfaste, dont le principal mérite semble devoir être de donner bonne figure à certains politiciens. Nous vous invitons donc à signer le référendum «NON à une pénurie de logements planifiée par la loi».

Notes:

1 Le juriste s’amusera d’ailleurs du fait que le législateur n’a pas prévu de priorité dans l’exercice de ces deux droits concurrents, promettant quelques procès intéressants …

2 La Nation n° 1997, 11 juillet 2014; La Nation n° 2024, 7 août 2015.

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