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Quand un démocrate critique la démocratie

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 2057 11 novembre 2016

Le 1er novembre dernier, M. Laurent Caspary publie dans la rubrique Signature de la RTS une intervention d’une minute et quarante et une secondes intitulée «Pour une saine critique» de la démocratie. Sa critique ne porte pas sur les principes – pour lui, la démocratie est et reste le moins mauvais moyen de gouverner les peuples – mais sur certains aspects de la pratique actuelle. Il se demande si le système démocratique américain, qui a proposé à plusieurs centaines de millions d’électeurs à réitérées reprises des candidats issus de deux familles, les Bush et les Clinton, pour les gouverner durant deux décennies au moins, est un bon système. Il avoue ses doutes. Quant à la France, qui voit grosso modo les mêmes candidats issus des mêmes filières se profiler depuis vingt ou trente ans pour la présidentielle, est-elle un bon exemple de vitalité démocratique? M. Caspary pense que non. La majorité qui a élu le fantasque et vulgaire président Ricardo Duterte, a-t-elle eu raison? Et celle qui a refusé le plan de paix patiemment négocié entre les FARC et le pouvoir colombien? Là encore, c’est non.

Que manque-t-il à ces démocraties philippine, américaine, française ou colombienne pour permettre au peuple d’obtenir ce qu’il demande, de bons chefs, de bonnes lois et des décisions justes? Pour M. Caspary, la démocratie ne fonctionne que si les peuples qui la portent ne sont pas manipulés grossièrement et si elle n’est pas prise en otage par son élite qui se coopte pour s’accrocher au pouvoir.

La manipulation grossière, on la rencontre constamment, dans les grandes et petites manœuvres des factions internes à chaque parti comme dans les slogans, menaces et promesses destinés à faire voter le bon peuple dans le bon sens. Nous dirions même que, depuis quelques années, la dégradation des moeurs politiques a déplacé la manipulation de la périphérie au centre du processus démocratique. L’évolution va dans un sens exactement opposé à celui que M. Caspary préconise.

De même, libérer le pouvoir des «élites», c’est-à-dire les oligarchies partisanes qui le squattent, semble aujourd’hui plus difficile que jamais. Elles sont profondément installées dans le pouvoir. Elles entretiennent des relations privilégiées et permanentes avec les médias (il n’est que de voir l’interminable et futile feuilleton de la non-candidature de Mme Géraldine Savary au Conseil d’Etat). Elles s’appuient sur leurs experts, leurs consultants et leurs communicateurs. Elles peuvent compter, je ne sais trop pourquoi, sur la caution automatique de la plupart des «intellectuels». Elles cultivent leurs réseaux de clients et rentabilisent leurs débiteurs. Elles surfent sur la pensée dominante et en tirent les «éléments de langage» qui leur assurent la fidélité pavlovienne de leurs féaux. Là encore, la mainmise des élites tend plutôt à se bétonner.

La question est de savoir si ces excès sont des dérives circonstancielles, tenant à la malice des temps et des hommes, ou s’ils découlent naturellement du système comme tel. M. Caspary opte pour la première solution. Le nombre considéré comme fondement de la légitimité politique, la division du pays en partis, l’obligation pour tout candidat de s’abaisser à briguer les suffrages, la confusion de l’intérêt du parti et de l’intérêt général nous font opter pour la seconde. La radicalisation récente des défauts du système manifeste l’affaiblissement des usages qui imposaient le respect d’une certaine morale publique lors des affrontements électoraux. Nous sommes loin des conditions honnêtes que M. Caspary pose à l’exercice démocratique.

Nous sommes les premiers à reconnaître les vertus de la démocratie directe, qui donne au peuple l’occasion de rectifier les abus et dérives de la démocratie parlementaire. Mais, on le voit depuis quelques années, la démocratie directe n’est pas à l’abri non plus des dérives et des abus.

«Mais alors, que proposez-vous à la place de la démocratie et du scrutin universel?» nous objecte, en désespoir de cause, le démocrate. Il attend que nous lui décrivions un régime non démocratique, auquel il aura beau jeu d’opposer triomphalement toutes les perfections théoriques de la démocratie.

Ce n’est pas notre approche. Ce qui nous importe, c’est le bien de notre pays, dans le présent et dans la durée. Nous répondrons donc à notre démocrate que ce que nous proposons, à notre niveau et avec nos moyens, c’est d’abord un service de fou du roi, une critique sans fard des vices fondamentaux ou occasionnels du régime actuel ainsi que des lois, initiatives et décisions d’espèce qui lèsent le Canton ou la Confédération. C’est d’ailleurs conforme à l’idée de M. Caspary, qui demande à la démocratie de rester sous le feu des critiques pour ne pas devenir une idéologie et demeurer le moins mauvais des systèmes de gouvernance.

Nous proposons ensuite, dans La Nation, lors de nos entretiens hebdomadaires, dans nos séminaires, à travers nos interventions publiques dans le cadre de la démocratie directe, des réflexions ou des actions plus ciblées sur les problèmes du moment. Notre approche ne dépendant pas de perspectives électorales, nous pouvons nous prévaloir d’une plus grande objectivité ainsi, d’ailleurs, que d’une plus grande ouverture aux membres des partis, qui ne craignent pas notre concurrence électorale.

Nous nous appliquons, face à l’égalitarisme, sous sa forme individualiste, collectiviste, communautariste ou mondialiste, à rappeler l’importance des communautés traditionnelles, hiérarchiques et enracinées: la famille, certes, mais aussi toutes les communautés plus spécialisées, si l’on ose dire, comme l’entreprise, la commune, les sociétés, associations et fondations de tout genre, sans oublier les Eglises, qui contribuent directement ou indirectement, chacune à sa manière et dans l’exercice de sa fonction ou vocation, à la vie du pays.

La Ligue vaudoise fait preuve depuis plus de trois générations d’un engagement renouvelé pour le bien commun vaudois, à l’exclusion de toute recherche de places, de prébendes ou de renommée. Cela a tout de même fini par engendrer une certaine confiance, c’est-à-dire aussi une certaine influence que nous nous efforçons de développer.

Vanité? Ce qui est sûr, c’est que chaque année, un certain nombre de jeunes décident de rejoindre notre combat politique hors parti. Le week-end dernier, ils étaient une quinzaine à participer à la séance de deux jours que nous organisons chaque année au dessus de Chardonne pour préparer l’année qui vient. Une autre forme de «critique saine» de la démocratie

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