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RIE III: un investissement pour une fiscalité compétitive

Pierre-Gabriel Bieri
La Nation n° 2062 20 janvier 2017

Les Suisses votent le 12 février sur la troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE III), plébiscitée à droite et combattue à gauche. Cette réforme est notamment destinée à mettre le système fiscal helvétique en conformité avec les «règles internationales» qui ne tolèrent plus les statuts privilégiés que certains cantons accordent à des entreprises réalisant l’essentiel de leurs revenus à l’étranger (traitement différencié des profits réalisés en Suisse et à l’étranger).

La Confédération a choisi de céder aux pressions extérieures en interdisant désormais ces statuts fiscaux privilégiés, mais aussi, en contrepartie, de permettre l’utilisation de tous les régimes de faveur agréés sur la scène internationale. Il s’agit notamment du système de la patent box (imposition séparée et réduite des bénéfices provenant de brevets), de la forte déduction (jusqu’à 150%) accordée aux dépenses de recherche et développement, de la déduction des intérêts notionnels (visant à traiter de manière équitable les entreprises qui investissent sur leurs fonds propres par rapport à celles qui investissent par l’emprunt), ou encore d’amortissements supplémentaires dont pourront bénéficier les entreprises qui transfèrent leur siège en Suisse. Ces diverses mesures, relativement techniques, permettront à certaines entreprises de réduire leur charge fiscale. Quelques-uns de ces instruments fiscaux s’imposeront à tous les cantons (notamment le principe de la patent box), les autres seront facultatifs et donc à disposition des cantons qui souhaiteront les utiliser.

Un enjeu à évaluer sur la base de quelques chiffres

La réforme RIE III, telle qu’elle est prévue, devrait entraîner une diminution de recettes fiscales qu’on estime à environ 2 milliards de francs, à répartir à parts à peu près égales entre la Confédération et les cantons. Si, comme on l’espère, cela permet de maintenir la compétitivité de la Suisse, si les multinationales restent et prospèrent, on peut imaginer que ces «pertes» fiscales seront rapidement compensées. Mais on ne peut évidemment pas calculer cela de manière précise, ce qui permet à la gauche de mener campagne contre un cadeau aux riches qui entraînera un démantèlement des finances publiques. Le refrain est connu, mais il séduit facilement la foule. Dans les cantons qui dépendent moins des entreprises internationales – ou qui ont l’impression de moins en dépendre –, même des gens «de droite» regardent avec méfiance une réforme qui, à leurs yeux, ne semble rien apporter aux PME helvétiques.

Sans la réforme, en revanche, on aura le choix entre maintenir les actuels statuts fiscaux privilégiés et adresser un bras d’honneur aux critiques de l’OCDE (ce que la Suisse n’aura ni la force ni le courage de faire), ou supprimer ces statuts privilégiés sans contrepartie et courir le risque de voir un certain nombre d’entreprises multinationales déménager vers d’autres Etats qui leur tendent les bras. Dans ce cas, il y aura aussi des pertes fiscales et des pertes d’emplois. Ces pertes ne peuvent pas être chiffrées précisément, mais on peut rappeler que les multinationales en question représentent directement environ 150’000 emplois (et probablement 150’000 autres de manière indirecte), qu’elles rapportent 5,3 milliards de francs à la Confédération (50% de l’impôt fédéral sur le bénéfice des entreprises) et 600 millions au Canton de Vaud (12% des recettes fiscales). On ignore combien d’entre elles quitteraient réellement la Suisse, et donc quelle part de tout cela nous pourrions perdre; mais ces chiffres permettent d’évaluer l’ampleur de l’enjeu.

Moins de fiscalité pour plus de prospérité

La RIE III doit être considérée comme un investissement, selon l’expression judicieuse de notre ministre des finances. On atténue certaines formes d’imposition dans le but de préserver, voire de renforcer l’attractivité de notre place économique. Les expériences passées montrent que les exercices de modération fiscale se soldent toujours par une prospérité accrue non seulement pour les citoyens et les entreprises, mais aussi – et très largement! – pour les collectivités publiques.

Du point de vue de la politique économique, les incertitudes de la RIE III apparaissent donc beaucoup plus prometteuses que celles de l’immobilisme. Du point de vue des institutions, la marge de manœuvre des cantons pour aménager leur fiscalité est déjà limitée depuis plus d’un quart de siècle par la législation fédérale. On peut le regretter, mais la RIE III n’introduit rien de nouveau de ce côté-là. Les règles du jeu sont modifiées, pas la répartition des compétences. On peut en outre souligner que le Canton de Vaud, qui a déjà pris les devants en adoptant son propre plan de mise en œuvre, est très demandeur des nouveaux instruments prévus par la RIE III fédérale.

Il apparaît donc logique et raisonnable de voter OUI le 12 février prochain.

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