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Paul

Le Coin du Ronchon
La Nation n° 1893 16 juillet 2010
Il s'appelle Paul. Au cours de ces dernières semaines, il a réussi – et c'est sans doute cela son plus grand mérite – à nous rendre un peu moins odieux les jeux de ballon internationaux. Et même si la presse en a beaucoup parlé, ce n'est pas une raison suffisante pour qu'on s'abstienne de lui rendre hommage ici.

Paul est donc ce poulpe allemand qui, confronté à deux drapeaux plongés au fond de son aquarium, réfléchit quelques instants puis abat ses tentacules sur celui de l'équipe qui gagnera le prochain match. Ses prédictions, paraît-il, n'ont été prises en défaut que deux fois jusqu'à maintenant. Connaissance pointue du sport ou véritable don de divination? Le lecteur intéressé consultera la page abondamment documentée que l'encyclopédie en ligne Wikipedia consacre à celui que l'on surnomme déjà l'oracle d'Oberhausen.

Au-delà des quelques avantages spécifiquement liés au football (découverte d'un supporter capable d'exprimer ses préférences de manière intelligente et silencieuse, possibilité de renoncer désormais à jouer des matches dont on connaît préalablement les résultats), l'existence d'un céphalopode-devin devrait susciter de l'intérêt dans plusieurs autres domaines. La météorologie, par exemple, où le poulpe pourrait supplanter la grenouille. Les paris. Les sondages. La bourse. La gastronomie, c'est moins sûr, car on n'imagine pas qu'un don divinatoire, même prodigieux, soit de nature à influencer le goût de l'animal (sans oublier que la canicule n'est guère propice à la chair de poulpe). Mais c'est surtout en politique que l'on entrevoit de nombreux débouchés pour Paul.

On pourrait ainsi l'entraîner à prévoir le résultat des prochaines votations, élections et autres décisions populaires ou parlementaires. Là où deux candidats se disputent une présidence, il ne devrait éprouver aucune difficulté (si les portraits qu'on lui présente sont ressemblants). Les choses se compliqueront lorsqu'il s'agira de trouver le successeur de M. Moritz Leuenberger, avec toutes les subtilités qu'implique le choix d'un conseiller fédéral. Ensuite, selon les questions qu'on lui posera et pour guider ses réponses, il faudra peut-être lui enseigner les armoiries des cantons, voire des communes (avant et après fusions éventuelles), ou lui expliquer le sens du «double oui» avec question subsidiaire en cas de contre-projet direct. Qui sait si ses tentacules ne lui permettraient pas de maîtriser les méandres de l'initiative populaire générale? Ou de présenter des pronostics simultanés sur différents dossiers? C'est là qu'on verra si le poulpe est réellement – comme on nous l'affirme – une sorte de gros cerveau avec des bras.

On veillera cependant à ne pas prêter à cet animal davantage de qualités qu'il n'en a réellement. En ce sens, les jeunes filles qui s'exclament: «Paul? L'apôtre?» nous semblent faire preuve d'exagération quant au rôle de ce brave poulpe dans notre civilisation.

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