Rousseau et la Moldavie
Lors des élections législatives anticipées de juillet 2009 en Moldavie, la coalition libérale-démocrate remporte une courte victoire contre les communistes en obtenant 53 sièges sur 100. Or, selon la constitution moldave, 61 voix sont nécessaires pour atteindre la majorité qualifiée nécessaire à l’élection du président. La coalition a alors sorti une arme de l’arsenal institutionnel: un référendum pour élire le président au suffrage universel. Cependant, le taux de participation minimal, fixé constitutionnellement à un tiers, n’est pas atteint puisqu’à peine 29% des électeurs se sont rendus aux urnes. Le référendum est donc jugé invalide.
L’objectif du taux de participation minimal et de la majorité qualifiée au parlement est d’accroître la légitimité des décisions démocratiques. Or, on voit qu’il y a blocage tant au parlement (majorité qualifiée) qu’au scrutin populaire (taux de participation minimal). Cette situation illustre la contradiction qu’il y a, dans une démocratie, entre légitimité et efficacité. En choisissant la légitimité, la démocratie moldave a perdu en efficacité car paralysée par les exigences. Rappelons que, pour Rousseau et son concept de «volonté générale», l’exigence de légitimité confine à celle d’unanimité.
Tirons un parallèle avec le Canton de Vaud et analysons les élections générales et complémentaires du Conseil d’Etat à l’aide des chiffres du Service cantonal de recherche et d’information statistiques (SCRIS). Depuis 1991, le taux de participation a été inférieur à 33% lors de dix tours (répartis sur six élections). Ajoutons que le taux de participation moyen depuis 1991 aux élections du Conseil d’Etat s’élève à 31,2%. Des blocages similaires à ceux de la Moldavie auraient pu se passer dans le Pays de Vaud si le souci d’efficacité n’avait pas été pris en compte dans le fonctionnement du système politique. Diluer la soupe épicée de l’idéalisme de Rousseau permet de la rendre digeste pour les institutions politiques. Le revers de la variante privilégiant l’efficacité est le risque de perte de légitimité. Rappelons la tendance qu’ont les commentateurs à parler de la «majorité silencieuse» pour relativiser l’issue du scrutin qui n’abonde pas dans leur sens.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Le prétexte francophone – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Les spécialistes de la désinformation – Revue de presse, Ernest Jomini
- On ne plante pas de clous sur Internet – Jacques Perrin
- Une transparence trop hasardeuse – Cédric Cossy
- La question de l’identité – Lars Klawonn
- Le renvoi des délinquants étrangers – Jean-François Cavin
- Pan sur les armes à feu! – Revue de presse, Philippe Ramelet
- Activité en deçà du Jura, grève au-delà – Le Coin du Ronchon