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Actualités  |  Mardi 9 janvier 2018

Simple dérapage ou révolution?

Interviewé par le Matin-Dimanche du 31 décembre dernier, le nouveau président de la Confédération a parlé très nettement: «Nous n'avons pas une démocratie de sondage, mais de décision. Quand le peuple vote, il n'indique pas une direction, mais il tranche.» On ne saurait mieux dire: même acquise de justesse, même contraire à la volonté de l'Etat, la décision populaire est souveraine. Le parlement est tenu d'en respecter la lettre et l'esprit. 

C'est pourtant ce que les chambres fédérales ont frontalement refusé de faire avec la loi d'application de l'initiative contre l'immigration massive. Cette loi ne correspond ni à l'intention générale des initiants, ni aux dispositions précises et contraignantes du texte constitutionnel. Les partisans de l'initiative ne sont pas les seuls à le dire. L'éditorial de 24 Heures du 8 décembre 2016, sous la plume de M. Arthur Grosjean, parlait du projet soumis aux chambres par le Conseil fédéral comme d'«un bras d'honneur […] au peuple et aux cantons». Langage de colère inhabituel dans ces colonnes!

L'initiative elle-même, il est vrai, n'était pas totalement conforme à l'esprit des institutions. Visant à réorienter la politique étrangère du Conseil fédéral, elle s'inscrivait dans ce courant peu raisonnable qui veut conduire, au moyen d'un feu incessant de référendums et d'initiatives populaires, une politique suisse en marge du gouvernement fédéral. Mais cette dérive, incontestable, ne justifiait pas celle, autrement plus grave, du parlement.

Les institutions, en l'occurrence celles de la démocratie directe, sont plus que des moyens de gestion politique adaptables au gré des circonstances. Concentré d'histoire et d'expérience politique, ces règles du jeu complexes et délicates cristallisent l'unité et l'équilibre des relations entre les individus, les cantons et la Confédération. En ce sens, la désinvolture du parlement à l'égard de l'initiative sur l'immigration massive avait quelque chose de révolutionnaire. On nous objectera que nous exagérons en parlant d'une révolution à propos d'un simple dérapage.

La votation sur «No Billag» nous permettra peut-être d'en juger. En effet, plus d'un électeur pense que, même si cette initiative est acceptée, le parlement conservera, d'une façon ou d'une autre, le système actuel. En d'autres termes, ils estiment que M. Berset se trompe, que le peuple ne tranche plus, que son vote n'est qu'un souhait collectif qui laisse le parlement libre de faire ce qu'il veut. C'en est au point que certains voteront oui sans forcément vouloir supprimer la SSR, juste pour lui donner un bon coup de semonce et la contraindre à réviser ses procédés.

Si le oui l'emporte et que la SSR reste en place, on saura que la loi sur l'immigration amorçait bel et bien une révolution institutionnelle.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 9 janvier 2018)