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Non à un tigre de paperasse

Olivier Klunge
La Nation n° 2061 6 janvier 2017

Le peuple vaudois est appelé à se prononcer le 12 février prochain sur l’adoption d’une nouvelle loi sur la préservation et la promotion du parc locatif, dont l’acronyme «LPPPL» (à prononcer «L3PL» pour faire swag dans les travées du Grand Conseil) suffit déjà à refuser ce projet.

Outre son nom, ce projet de loi contient une monstruosité: un droit de préemption des communes, mais aussi de l’Etat1, sur la plupart des terrains du Canton. Il s’agit donc d’une atteinte grave au principe de propriété privée.

Cette atteinte n’est pourtant pas justifiée par un intérêt public. Nous convenons volontiers qu’il y a actuellement un intérêt public à la construction de logements dans notre Canton, en particulier de logements à loyers accessibles pour la classe moyenne (qui n’a pas accès aux logements subventionnés). Le droit de préemption étatique est un moyen inutile, et même nuisible, pour cette politique.

Il est d’ailleurs piquant que l’ASLOCA, lors de la consultation2, qualifiait le droit de préemption de «tigre de papier». Un tigre de paperasse, c’est ce qu’il sera3, imposant dans de très nombreux cas de vente (la plupart ne présentant aucun potentiel de construction de logement abordable) 4, une procédure de quarante à soixante jours, avec aller-retour entre la Municipalité et l’Etat.

De plus, c’est un présupposé idéologique de croire que les communes ou l’Etat construisent plus et plus vite des logements abordables que le privé (en particulier les coopératives et les fondations). Les nombreux terrains propriétés de communes (y compris et surtout dans les villes)5 en attente depuis des années, voire des décennies, de décisions politiques suffisent à montrer le contraire.

Le droit de préemption s’exercera au prix de vente convenu entre le propriétaire et l’acquéreur. La commune ou l’Etat devra encore rembourser tous les frais de l’acte annulé, ainsi qu’une indemnité couvrant les frais engagés dans le cadre de la conception du projet immobilier rendu caduc. Si aucun projet n’est réalisé dans un délai de trois à cinq ans, le propriétaire comme l’acquéreur écarté pourront demander de récupérer le terrain. Toutes ces procédures coûteront et leur prix se retrouvera fatalement soit dans le bail des futurs locataires soit sur leur feuille d’impôts!

Le droit de préemption public est donc une boursouflure administrative qui ne créera pas un seul logement, ralentira des centaines de ventes et donc de constructions pour permettre à des politiciens de gauche de dire qu’ils ont «fait quelque chose» et à quelques députés de droite qu’ils «sont ouverts au compromis pour faire avancer le canton».

Des moyens existent pourtant pour encourager et accélérer la construction de logements à loyer abordable. Il s’agit de raccourcir et simplifier la durée des procédures de planification et d’autorisation de construire qui durent aujourd’hui un multiple du temps nécessaire à la construction elle-même. Il s’agit aussi de prévoir des mesures d’aménagement du territoire (bonus constructif, quota dans les nouveaux plans, contrat public- privé) ou fiscales. Si les Vaudois refusent la LPPPL, les quelques mesures utiles qu’elle contient pourront aisément prendre place dans la révision du Plan directeur cantonal et de la LATC vaudoise, qui devraient être adoptée au premier semestre 2017.

Le projet de LPPPL contient aussi quelques dispositions qui pourraient entraîner une vétusté du parc locatif vaudois. Pour les immeubles loués, tous travaux de rénovation, y compris ceux destinés à améliorer le confort des logements ou à introduire des mesures énergétiques, seront soumis à des mécanismes de contrôle et de mainmise étatiques, s’inspirant d’un modèle genevois qui a fait ses preuves en matière de blocages et d’abus.

Croire que la LPPPL créera des logements abordables, c’est croire qu’il suffit que l’Etat rachète une entreprise en faillite pour créer des emplois. C’est croire en l’efficacité d’une économie planifiée par l’Etat. Les principes sur lesquels est fondé ce projet de loi sont erronés, stériles et néfastes. Le fait que leur tranchant a été émoussé dans le processus parlementaire les rend peut-être moins dangereux, mais ni utiles, ni efficaces. Nous voterons NOOON à la LPPPL!

Notes:

1 Cf. nos articles La Nation no 1997, 11 juillet 2014; no 2024, 7 août 2015; no 2045, 27 mai 2016.

2 Rapport de la commission RC 169 du 1er juin 2015.

3 Lors du dernier Forum vaudois du Logement, un représentant de la Ville de Lausanne avouait que cette dernière n’aurait aucune utilité de la LPPPL pour sa politique du logement.

4 L’Etat n’a d’ailleurs procédé à aucun recensement des terrains concernés, et donc moins encore de la part de terrains propres à la construction de logements à loyer abordable.

5 Là encore, l’Etat n’a effectué aucun recensement, avant de se lancer dans un projet de loi visant à créer des logements abordables.

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