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Actualités  |  Mardi 6 septembre 2016

Interdire le burkini, et après?

La burka pose un problème d'ordre public en ce que la vue d'un masque engendre souvent une réelle gêne dans le public. Il est donc normal que les autorités se posent la question de son interdiction. Pour autant, il serait disproportionné d'en faire un article de la Constitution fédérale. Autoriser le port du masque, Tschäggättä, cagoule ou burka, ou l'interdire, pour des motifs d'ordre public, est une décision typiquement communale.

Le burkini, lui, n'est pas un masque. Au nom de quoi voudrait-on interdire ce costume de bain gentiment pudibond et un peu vieillot? Le burkini, répondent les partisans de l'interdiction, trouble bel et bien l'ordre public en ce qu'il ne respecte pas les usages européens. Bon. Mais quels sont-ils, ces usages européens? Sur nos plages, la règle est de tolérer à peu près tout et n'importe quoi. Et en général, nos usages vestimentaires consistent principalement à ne pas en avoir: «Moi je porte un sarouel, moi un uniforme militaire, moi un monokini et moi un tee-shirt satanique. Moi, j'ai des dreads, moi je suis tondu, moi je me tatoue et me scarifie. Je porte et fais ce que je veux, car je suis liiiiibre!».

Ce qu'on peut plutôt reprocher au burkini, c'est d'avoir, contrairement à nos vêtements, une signification politico-religieuse, et de la promouvoir sur les plages. En ce sens, il constitue bien, comme la burka, un petit pas vers l'islamisation de l'espace public. Mais le simple port du voile aussi, comme la barbe, attribut prophétique par excellence, et l'usage public de la langue arabe, qui est celle du Coran. Jusqu'où faut-il interdire?

Les chrétiens partisans de l'interdiction devraient aussi être attentifs au fait qu'ils ne vivent pas en chrétienté, mais dans une société largement laïcisée et égalitaire. Si l'on interdit les signes religieux islamiques, ils doivent s'attendre à ce qu'on en fasse autant à l'égard des leurs. D'ailleurs, il n'est pas exclu qu'ils le fassent eux-mêmes. Ainsi, vendredi dernier, on pouvait lire dans 24 heures que le président du Parti démocrate chrétien Gerhard Pfister voulait «une loi pour encadrer les religions»,  n'imaginant apparemment même pas que la sienne puisse souffrir de cet encadrement.

Ce débat nous a fait tomber dans un double piège. L'interdiction légale du burkini renforcera sa portée de témoignage. Et son acceptation officielle induira les associations musulmanes à en demander plus.

Le chrétien doit redonner sa juste place, secondaire, à cette controverse vestimentaire pour aborder franchement et à fond le problème central, celui que personne n'a envie de reconnaître et que les Eglises semblent vouloir esquiver, celui de l'affrontement «en esprit et en vérité» de deux religions fondamentalement incompatibles.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 6 septembre 2016)