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Quand la démocratie directe perd en légitimité

Félicien Monnier
La Nation n° 2049 22 juillet 2016

Selon 24 heures du 10 juillet dernier, les UDC vaudois s’apprêtent à lancer une initiative relative aux statuts des communautés religieuses dans le Canton. L’article de M. Renaud Bournoud s’ouvre par ces mots: «A dix mois des élections cantonales, la classe politique cogite sur la manière de se faire remarquer. Les partis cherchent des thèmes porteurs pour leur campagne1 ».

Dans l’éditorial de cette même édition, Mme Laure Pingoud, chef de la rubrique vaudoise, accuse le parti agrarien de vouloir mener un coup politique. Elle-même commence en demandant: «Quoi de plus efficace qu’une initiative populaire pour dynamiser une campagne politique?»2 Elle rappelle que l’extrême- gauche avait déjà utilisé le référendum contre la RIE III pour manœuvrer lors des élections communales.

Le fond de l’initiative UDC n’est pas arrêté. Et notre position à son propos ne sera fixée que devant son texte. L’attitude qui consiste à lancer une initiative par électoralisme doit être sévèrement critiquée, quel que soit le parti qui commet cet abus de démocratie directe. Les proches élections cantonales ne manqueront pas de faire sortir radicaux et socialistes du bois.

Le plus inquiétant est comment deux journalistes de 24 heures ont intégré l’usage électoral de la démocratie directe.

Mme Pingoud profite de s’en prendre à l’UDC. Mais elle ne s’en prend pas vraiment au moyen lui-même. Elle termine même son éditorial par une réflexion sur les alliances électorales que l’UDC met en danger par son action. On n’en sort pas.

Ces colonnes ont souvent désigné les risques concrets développés par une telle attitude des partis. Les opposants à la démocratie directe sont à l’affût. Leurs propositions de cours constitutionnelles et de durcissement des critères de validité des initiatives, formels notamment, sont connues. Mais nous identifions un autre danger encore. Il a trait à la nature même des institutions politiques et de leur rapport à la communauté.

La finalité d’une institution fait partie de son essence. L’usage d’une institution contrairement à son but la dénature. Le joint entre les institutions (le pays légal) et la communauté (le pays réel) n’est pas étanche. Il ne doit pas l’être. Au contraire, les institutions doivent épouser les contours de la société pour y permettre l’élaboration du bien commun. Il y a une interaction entre réalité communautaire et structure institutionnelle.

Partant, la société s’habitue à l’usage dévoyé de ses institutions. Ces mêmes institutions finissent par infléchir leur propre nature et intégrer les mauvais usages qu’on en fait. Une école délaissant l’éducation proprement scolaire (lire, écrire, compter) pour une éducation par trop socio-culturelle perd en légitimité. Simplement parce qu’elle se désaxe par rapport à sa finalité. Elle est un peu moins «école».

Il en va de même avec la démocratie directe. Sa fonction est de permettre à des groupes non représentés au Parlement de se faire entendre. Elle permet également, par le référendum, de freiner les ardeurs de ce même Parlement. Sa fonction n’est pas de servir de vitrine aux partis, par trop contents de «dicter l’agenda politique». Lorsqu’une initiative poursuit un autre but – même inavoué – que celui de contribuer au bien commun, elle perd en légitimité.

Les Chambres ont renoncé à intégrer l’aspect absolu de l’expulsion automatique des délinquants étrangers dans notre législation. L’initiative de mise en œuvre n’y a pas suffi. L’UDC a ici sans doute fait les frais d’une conception délégitimée du droit d’initiative. Il en avait abusé.

On peut s’opposer dans la rue à la création d’une cour constitutionnelle. On peut combattre à la télévision l’augmentation du nombre de signatures. Il est plus difficile d’expliquer aux partis qu’ils affaiblissent nos plus belles institutions par leur obsession du pouvoir.

Notes:

1 «L’UDC s’attaque aux communautés religieuses», 24 heures du 10 juillet 2016.

2 «La religion vaut mieux qu’un coup politique», 24 heures du 10 juillet 2016.

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