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Les paysans victimes du perfectionnisme

Jean-Michel Henny
La Nation n° 2051 19 août 2016

Il y a quelque temps, le cas d’une famille paysanne de Vulliens a suscité l’étonnement et la colère de certains. Les journaux s’en sont fait l’écho.

La ferme a été ravagée par les flammes au début du mois de janvier 2015. Abattue, mais pas démoralisée, la famille a entrepris les démarches pour reconstruire son outil de travail et son logement.

C’est alors qu’a commencé le trajet complexe de l’administré dans le labyrinthe procédural d’une nouvelle construction en zone agricole.

La ferme ne peut être reconstruite comme avant. Pour rentabiliser un coût de construction élevé, il faut augmenter le nombre de têtes de bétail, surtout à l’heure où le prix du lait baisse de façon catastrophique.

Ce n’est qu’à la condition de respecter les normes actuelles pour la protection des animaux, notamment, que les crédits d’investissement peuvent être accordés. Il faut respecter des règles très strictes sur la protection de l’environnement, la loi fédérale sur la protection des eaux et son ordonnance, l’ordonnance fédérale sur la protection de l’air, l’ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, les règles sur la protection contre l’incendie, l’ordonnance sur les améliorations structurelles dans l’agriculture, les innombrables règles de l’ordonnance sur les paiements directs versés dans l’agriculture, les règles de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire qui limitent les possibilités de bâtir à ce qui est strictement «nécessaire à l’exploitation agricole», notamment.

Le projet, dûment étudié par le Service cantonal du développement territorial et la Municipalité de Vulliens, sous l’œil attentif mais lointain de l’Office fédéral du développement territorial, a finalement pu être mis à l’enquête publique en octobre 2015.

Tout semblait pouvoir aller de l’avant, mais un voisin, vraisemblablement gêné par les bruits et odeurs dégagés par une ferme, a formé opposition et, le permis délivré, a recouru contre ce permis. La procédure semble toujours en cours devant le Tribunal cantonal.

Les paysans touchés par le sinistre du début de l’année 2015 sont déprimés et certains condamnent, comme c’est toujours le cas dans des circonstances de ce genre, le droit de recours. La situation est pénible mais ce n’est pas une raison pour renoncer à un système qui offre de manière générale un bon équilibre entre les droits des voisins et ceux des propriétaires et constructeurs. Ce qui est important, c’est que la procédure suive son cours sans retard. La responsabilité des juges est principalement là.

* * *

Ce qui frappe ici, c’est la masse de règlements et de contraintes qui s’imposent lors d’une telle construction. C’est vraisemblablement le prix à payer pour obtenir non seulement l’aval des autorités mais aussi et surtout les crédits d’investissement qui sont absolument nécessaires pour une telle construction et, ultérieurement, les paiements directs qui permettent au paysan de survivre.

On ne répétera jamais assez que cette situation paradoxale est due au fait que les producteurs de denrées alimentaires vendent celles-ci à des prix qui ne couvrent pas les frais de production. Cette différence est compensée par des paiements directs liés à des contraintes sévères pour éviter les abus.

Il serait raisonnable de revenir à un système économique conforme à nos habitudes et qui consiste à rétribuer le producteur en fonction de ce qu’il vend. Pour cela, il faudrait que le prix du lait et des autres denrées alimentaires produites en Suisse soit conforme aux standards helvétiques, comme le sont les salaires en Suisse.

Certains prétendront que ce serait un retour à un système révolu de contrôle à la frontière et d’économie dirigée. Mais les paiements directs ne sont-ils pas le summum de l’économie dirigée?

Pourquoi le prix du lait en Suisse, à la production, devrait-il être pratiquement celui qu’obtiennent les agriculteurs de l’Union européenne alors que le prix des médicaments génériques, comme on l’a lu récemment, pourrait être en Suisse plus du double de ceux qui sont pratiqués dans l’Union européenne?

Ne serait-il pas temps de se poser sérieusement la question de l’abolition des paiements directs pour en revenir à un système conforme à une vraie économie libérale?

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