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Secret médical et bureaux renifleurs

Jean-François Cavin
La Nation n° 2054 30 septembre 2016

Tout ce que je verrai ou entendrai au cours du traitement, ou même en dehors du traitement, concernant la vie des gens, si cela ne doit jamais être répété au dehors, je le tairai, considérant que de telles choses sont secrètes. (Serment d’Hippocrate, env. IVe siècle avant J.-C., trad. J. Jouanna)

L’examen médical des conducteurs d’automobiles âgés de 70 ans et plus donnait lieu, jusqu’à présent, à une communication très simple du médecin à l’autorité administrative: apte ou inapte à la conduite. Selon une nouvelle directive de l’Office fédéral des routes (OFROU), le médecin doit désormais transmettre des éléments de diagnostic au service cantonal – et pas à un médecin-conseil.

Le Dr Jean-Louis Randin, auquel la Société vaudoise de médecine fait écho, s’en alarme. C’est contraire au secret médical; de surcroît, cela peut mettre le praticien dans l’embarras: que faire en cas de maladie certes présente, mais qui ne se développe pas ou qui est sous contrôle, un léger diabète par exemple, dont la formule officielle prévoit la mention? Taire la maladie, sans effet sur l’aptitude à la conduite, au risque de tomber dans l’illégalité?

Les réactions des bureaux d’Etat sont ahurissantes. Le chef du Service vaudois des automobiles et de la navigation (SAN), M. Pascal Chatagny, minimise: Seuls quelques employés du secteur des mesures administratives (collaborateurs de la réception, gestionnaires de dossiers et juristes) sont en charge du traitement de ces dossiers. Et ils sont évidemment soumis au secret de fonction (notion fort différente, n.d.l.r.). Autrement dit, on viole délibérément le secret médical, mais seulement un peu… A ma prochaine infraction au Code de la route, j’expliquerai à ces messieurs que j’ai violé la loi, mais seulement un peu. Comment expliquer la désinvolture de M. Chatagny? Se prend-il pour l’Hippocrate du XIXe siècle?

Du côté de l’OFROU, on dit avoir consulté le Préposé fédéral à la protection des données, qui n’a pas formulé d’objection. A quoi sert-il, ce préposé, avec sa quarantaine (hé oui!) de collaborateurs? Voilà une piste d’économies budgétaires. L’OFROU ajoute: Les lois permettent de déroger au secret médical dans le domaine qui fait débat. On aimerait bien savoir quelles lois. Nous avons cherché en vain. En tous cas pas la loi sur la circulation routière (LCR), qui instaure et règle l’examen médical des seniors; bien au contraire, elle ne lève le secret médical que dans un cas précis: celui où le médecin dénonce spontanément une inaptitude, ce qu’il doit évidemment motiver. A contrario, en dehors de ce cas exceptionnel, le médecin n’est pas délié du secret selon la LCR. Plus généralement, le principe de la proportionnalité s’oppose à une communication inutile.

Il faut faire obstacle à ces bureaucrates avides de tout savoir sur leurs administrés, au jugement sans doute durci par les fanatiques de Via secura. Les médecins vaudois refuseront-ils de remplir le nouveau questionnaire, quitte à se battre jusqu’au TF? Mais d’abord – ose-t-on l’espérer? – la conseillère d’Etat responsable du SAN, Mme de Quattro, devrait rappeler son service à l’ordre et communiquer à Berne son désaccord, en lui notifiant que la nouvelle formule ne sera pas utilisée dans le Canton de Vaud.

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