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Une leçon de fédéralisme

Rédaction
La Nation n° 2056 28 octobre 2016

A l’heure où nous mettons sous presse, le David wallon tient toujours bon face au Goliath européen au sujet de la conclusion du traité CETA avec le Canada. Quelle qu’en soit l’issue, ce bras de fer aura suscité une floraison d’articles, dont celui remarquable de Romaric Godin paru le 24 octobre sur le site de La Tribune1. En voici de larges extraits:

Haro sur la Wallonie! Jusqu’ici, la très discrète entité fédérale belge n’intéressait à peu près personne en dehors des frontières du Royaume des Belges. Mais depuis que son parlement a refusé d’accorder au gouvernement fédéral belge le droit de signer le traité de commerce entre l’Union européenne et le Canada (Ceta), elle est devenue «l’ennemi public numéro un» des dirigeants européens. Ce lundi 24 octobre, l’ancien premier ministre belge Elio di Rupio, lui-même ancien ministre-président de Wallonie, a dénoncé les «pressions invraisemblables» sur l’actuel chef du gouvernement wallon, Paul Magnette.

[…] Comme toujours en pareil cas, lorsqu’un membre de l’UE fait connaître sa différence, l’UE est tentée d’avoir recours à des pressions non exemptes d’un certain mépris. Après avoir tenté d’amadouer les Wallons par de vagues promesses contenues dans une non moins vague «déclaration interprétative» du traité, les autorités européennes ont eu recours à un ultimatum, laissant 24 heures au gouvernement de Namur pour changer sa position. En vain.

Le concert des plaintes s’est alors engagé pour pointer du doigt une simple région capable de damer le pion à la «volonté générale» européenne qui, elle, souhaiterait ardemment le Ceta. Les comparaisons se sont multipliées: laisserait-on la Seine-et-Marne bloquer une loi française? 500 millions d’Européens peuvent-ils se laisser dicter leur sort par une poignée de Belges irréductibles à la grande marche de la mondialisation?

Ces propos traduisent en réalité surtout une incompréhension de la réalité constitutionnelle belge. La Wallonie, comme les autres entités fédérales de la Belgique, formée de trois régions et de trois communautés, dispose de la compétence commerciale garantie par la Constitution. Pourquoi ne devrait-elle pas faire usage de cette compétence pour refuser ce qui déplaît à sa majorité parlementaire?

On peut s’en désoler, mais la Belgique, Etat membre de l’UE, est ainsi constituée et c’est le fruit de longues discussions, voulu du reste par les Flamands libéraux. Ce partage des responsabilités a été la condition de la survie de la Belgique. […] Car le compromis belge a donné la parole à la région wallonne. Cette dernière en fait logiquement usage. Or, rien n’est plus logique que le fait qu’un Etat se soumette à ses propres règles constitutionnelles et que son comportement dans l’UE en découle.

L’argument de la «petite région» qui bloque tout n’est donc pas tenable. C’est, du reste, le propre des vrais Etats fédéraux que de donner des pouvoirs démesurés à des petits ensembles disposant de particularités fortes. C’est ainsi que l’on «compense» la dilution des Etats fédérés dans l’ensemble plus vaste.

[…] En réalité, le blocage wallon irrite l’Europe pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’il met au jour les failles de la construction européenne. L’UE donne en effet de fait un pouvoir considérable aux petits Etats, mais ne tolère pas qu’ils en usent. […]

Peut-on imaginer de telles pressions sur la Cour constitutionnelle de Karlsruhe si cette dernière avait interdit au gouvernement allemand de signer le traité? On aurait immédiatement rouvert les négociations. Or, dans la logique institutionnelle de l’UE, le refus allemand a exactement le même poids que le refus belge ou maltais. Le problème, c’est que l’UE n’accepte pas cette réalité. Elle s’efforce de tendre en fait vers un «Etat fédéral», qui, en réalité, serait un Etat centralisé qui dissoudrait les volontés nationales dans une vaste volonté générale européenne. Mais, comme elle est incapable d’imposer cet objectif en raison de la résistance des peuples et des Etats, elle tente de contourner la réalité institutionnelle, souvent par des pressions sur les Etats isolés qui tentent d’exercer leurs droits. C’est cette ambiguïté insoluble pour l’instant que l’affaire wallonne met une nouvelle fois en avant. […]

Notes:

1 http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/ceta-la-wallonie-mauvaise-conscience-de-l-ue-610556.html

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