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N’avouez jamais

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 2056 28 octobre 2016

La pétition de soutien à la lettre ouverte à Mme Lyon de trente enseignants du Collège de Prilly en est à plus de 1600 signatures, attestées par un notaire. M. Alain Bouquet, directeur général de l’enseignement obligatoire, a classé le tout d’un dédaigneux «j’en prends acte», façon de dire ça me touche un neurone sans faire bouger l’autre.

C’est dans la même perspective dilatoire qu’il a commenté: «C’est une démarche certes démocratique, mais facile», ajoutant qu’«il faut rappeler que la LEO a une légitimité démocratique encore plus forte.»

D’abord, signer de son nom un texte aussi dur envers les autorités dans l’ambiance de surveillance propre au Département n’est, contrairement à ce que prétend M. Bouquet, pas facile du tout. Ces trente courageux, et ceux qui les accompagnent, méritent plus qu’une accusation gratuite de facilité.

Quant à la «légitimité» insuffisante de la pétition, s’il est vrai qu’un vote populaire est plus contraignant qu’une simple pétition, M. Bouquet compare l’incomparable. D’un côté, il y a le peuple vaudois qui, au travers d’une campagne aussi brutale que mensongère, a été dupé par le Département, le parti socialiste et ses seconds couteaux radicaux (oh, le député radical Marc-Olivier Buffat bécotant Mme Lyon le soir de la courte victoire de la LEO!). De l’autre, il y a plus de 1600 enseignants qui ont expérimenté quotidiennement, durant trois ans, la mise en œuvre du nouveau système et qui en tirent des conclusions inquiétantes qu’ils font connaître à la population. Si la légitimité est inséparable de la vérité, elle est, dans ce domaine, plus proche des pétitionnaires que des votants du 4 septembre 2011.

Faisant flèche et feu de tout bois, M. Bouquet a ensuite reproché à la cheville ouvrière de la pétition, Mme Christine Renaudin, de ne pas être pourvue des titres académiques qui lui permettraient de se dire enseignante. M. Philippe de Vargas, ancien directeur de l’Elysée, l’a défendue publiquement avec une belle énergie et, autant que nous puissions en juger, de bons arguments. Ce qui est sûr, c’est qu’au formalisme académique du chef de la DGEO, la population et particulièrement les parents qui s’apprêtent à envoyer leurs enfants à l’école préféreraient une autocritique loyale et approfondie, complétée par la liste des mesures correctives que le Département entend prendre de toute urgence.

Quant aux syndicats d’enseignants, M. Gilles Pierrehumbert, de la Société vaudoise des maîtres secondaires, s’est contenté de se défausser: «J’imagine que, parmi les signataires, il y a autant de nostalgiques de l’initiative “Ecole 2010” que de partisans de l’école selon Freinet ou Summerhill.» On ne voit pas très bien le rapport. On suppose qu’il s’essaie à l’ironie pour donner un tour frivole à l’affaire. Mais les enseignants attendent autre chose d’un syndicaliste lorsqu’ils se plaignent d’un système qui les met dans l’impossibilité d’exercer correctement leur métier.

Ce déni éhonté et méthodique des évidences, accompagné d’une fuite vertigineuse en avant, c’est le recours ultime de ceux qui se sont avancés trop loin dans l’erreur pour faire marche arrière. Murés dans un autisme à demi conscient, ils tiennent leurs positions. Disciples d’Emile Coué (1857–1926), créateur de la prophétie autoréalisatrice, ils sont persuadés qu’un fait nié assez longtemps ne peut que disparaître.

Et c’est encore dans ce même esprit, qui chuchote «pas de bruits, pas de vagues», que les partis et leurs candidats ne parlent que de manœuvres électorales, observant sur le fond de la question un mutisme qui devrait leur faire honte.

L’éjection de Mme Lyon et l’élection de son successeur ne sont que les étapes marginales d’un changement de fusible. Le dispositif entier reste en place. Les pétitionnaires doivent envisager de renforcer leur action, en particulier de dépasser la critique du comportement de Mme Lyon pour s’occuper du fond même de l’idéologie réformatrice qui leur fait des misères depuis tant d’années, ou alors rentrer dans le rang.

Notes:

1 24 heures du 16 octobre dernier.

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