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A propos du Buffet de la gare

Rédaction
La Nation n° 2056 28 octobre 2016

Ecrivain et député popiste au Grand Conseil, M. Julien Sansonnens est une figure atypique de la gauche vaudoise. Nous publions ici des morceaux choisis – tout aurait pu être pris! – de sa chronique dans Le Temps du 14 octobre dernier. Il y regrette la disparition du Buffet et identifie le nœud du débat: l’opposition entre deux modèles à la fois de sociabilité et de société.

Le Buffet de la gare de Lausanne, notre Train bleu à nous, mais si!, fera donc place à un fast-food, et tout ce que Lausanne compte de gens qui comptent s’en extasie. […]

Il est désormais souhaitable qu’un établissement proposant aussi bien de la viande que des plats végétariens (salades, fondue, pâtes…) soit remplacé par un établissement ne proposant plus que des plats végétariens; du libéralisme on gardera donc les délocalisations d’entreprises, les «golden» parachutes et le glyphosate – pour ses éventuels «bons côtés», à commencer par la liberté de choisir ce qu’on mange, on repassera.

Aujourd’hui, il est devenu souhaitable qu’un établissement où l’on pouvait prendre le temps de s’asseoir, de respirer, où l’on pouvait même trouver un plaisir improductif – et donc scandaleux – à attendre, soit remplacé par un snack de luxe que l’on fréquentera en courant, entre deux trains bondés et en retard. […]

Il faudrait faire le procès de cette diversité dont se gargarisent les tenants du progrès frelaté, eux qui n’apprécient rien de plus que de se retrouver hermétiquement entre soi: qu’on pénètre dans n’importe lequel de ces «lounges» prétentieux qui ont remplacé les derniers bistrots populaires, qu’on franchisse la porte de n’importe lequel de ces brunch-du-dimanche, et l’on ne peut être que frappé par l’homogénéité de la clientèle qui s’y autocélèbre: urbaine, éduquée et aisée. […]

Surtout, l’endroit suait la tradition et le patrimoine par tous les pores de ses parois boisées. On s’y souvenait de l’histoire, on y célébrait, non sans distance, une certaine vaudoiseté (le portrait du Général Guisan, le papet…) devenue inconvenante en période d’orgie mondialiste et de libéralisation des marchés.

Et puis le Buffet évoquait cette époque invraisemblable où l’on était attentif aux nappes blanches, aux fresques un brin kitsch contre les murs; en clair il était devenu hors du temps, ce qui relève désormais, à l’heure du dopage et du burn-out érigés en norme, de la pure et simple provocation (l’idéologie dominante réserve, je crois, l’adjectif «rance» à cet attachement du peuple à son passé).

Le buffet comme symbole renvoyait avec insolence à cet hier décrété obsolète, quand les gares n’avaient pas encore été transformées en vastes galeries marchandes si helvétiques, propres, vidéosurveillées et donc mortes. […]

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