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La bataille de l’air

Jean-François Cavin
La Nation n° 2060 23 décembre 2016

L’espace des vents qui (quand ils soufflent) font tourner les éoliennes, en lutte contre l’espace aérien où évolue l’aviation militaire: c’est à ce grand combat qu’on a assisté en décembre. Armasuisse (le service de l’équipement, de la technologie et des infrastructures du Département de la défense – DDPS) a en effet annoncé que le bon fonctionnement des radars excluait l’érection des grandes machines à brasser le vent – ou la rendait fortement sujette à caution – dans des périmètres bien plus vastes que prévu jusqu’ici. Comme il est difficile de contester de front les impératifs de la sécurité aérienne, les éoliennophiles – éditorialistes ou gouvernants – ont préféré s’en prendre à la manière de procéder d’Armasuisse : les cantons n’auraient pas été avertis assez longtemps avant l’information donnée au public; et les exigences nouvelles seraient contraires à l’attitude antérieure du DDPS. En bref, on reproche aux militaires à la fois une brutale lourdeur et une «insoutenable légèreté»: la totale!

Mais l’affaire n’est pas simple. On peut certes regretter que les cantons n’aient pas été avertis quelques jours, plutôt que quelques heures, avant le public; mais cela n’aurait rien changé, politesse mise à part. On peut surtout s’étonner que l’armée ne se soit pas opposée, lors de diverses procédures, à des projets éoliens auxquels elle fait obstacle maintenant. Manque de vigilance? Manque d’impulsion politique poussant à approfondir l’analyse? Méconnaissance à ce moment-là de certaines données techniques ou sécuritaires? Il faut admettre que les problématiques liées à l’implantation des éoliennes sont en partie assez nouvelles; l’effet des infrasons sur l’être humain, par exemple, est encore l’objet de controverses.

Cela dit, quand les éoliennophiles feignent l’étonnement, ils ne manquent pas de souffle, si l’on ose dire. Car l’Etat de Vaud écrivait à l’autorité fédérale en mars 2016 déjà, à propos de la «Conception énergie éolienne» en gestation, que la zone d’exclusion autour de Payerne – 20 km. à l’époque – était «notoirement trop simpliste»; et encore: «A ce sujet, nous pouvons rappeler que le DDPS est en train d’étudier de manière détaillée la zone de 20 km autour de Payerne»; et enfin: «Nous vous enjoignons à tenir compte des attentes suivantes: (…) que les résultats des derniers travaux en cours à la Confédération, notamment ceux relatifs à la portée des radars (…) soient disponibles ou intégrés dans la nouvelle Conception». Alors, pour la surprise, on repassera.

Car, comme on vient de lire, une nouvelle «conception» fédérale est en préparation. Il s’agit d’un document partiellement obligatoire pour les autorités, au sens de l’article 13 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire. Il définit les grandes lignes de ce qui est possible, en fonction de la force des vents et des données de l’aménagement du territoire. Ce devrait être, en bonne logique, la base des planifications cantonales et des projets des investisseurs. Curieusement, l’Office fédéral du développement territorial a émis le projet de «Conception» avant de disposer des dernières études sur les contraintes liées à l’aviation militaire; et le canton de Vaud a établi son plan directeur des éoliennes avant que la «Conception» fédérale soit promulguée: et des promoteurs ont mis leurs projets à l’enquête dans l’ignorance de cette «Conception». La pyramide repose sur la pointe, alors qu’on devrait d’abord en assurer la base.

S’il y a des reproches à faire, ce serait plutôt au Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (mais qui ose critiquer Doris Leuthard?) qui lance sa «Conception» avant de connaître les contraintes relevant de la sécurité aérienne, ainsi qu’aux éoliennophiles agissant dans la précipitation: les promoteurs avides de toucher les subventions fédérales dévolues à ces installations inrentables à elles seules et les politiques prêts à tout pour favoriser le «renouvelable». Quel renouvelable? L’énergie ou le mandat?

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