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L’OSR, médiocre ou excellent?

Jean-Blaise Rochat
La Nation n° 2061 6 janvier 2017

La vénérable institution du bout du lac a subi quelques turbulences ces dernières années, dues notamment à de trop nombreux changements de chefs. L’OSR est dans une période de doute et de remise en question. Outre les problèmes structurels et administratifs, un audit récent pointe l’insuffisance du niveau artistique et attribue une note: 6,75 / 10. C’est la note d’un élève laborieux et travailleur ou d’un surdoué paresseux. Ou fatigué. Cela ne veut rien dire. Ces difficultés sont rapportées dans 24 heures du 14 décembre. Le lendemain, nous apprenons que l’OSR était nominé à la 59e édition des Grammy Awards dans la catégorie «Meilleure interprétation orchestrale» pour son enregistrement d’œuvres de Jacques Ibert, sous la baguette de son ancien directeur artistique, Neeme Järvi. La cérémonie des trophées aura lieu le 12 février prochain à Los Angeles. Dans sa catégorie, l’Orchestre de la Suisse Romande est en concurrence avec le Boston Symphony Orchestra, le Royal Concertgebouw Orchestra, le New York Philharmonic, le San Francisco Symphony. On se demande quelles peuvent être les chances d’un orchestre qui ne vaut même pas 7 sur 10 face à des adversaires si prestigieux.

Venons-en à l’enregistrement en lice. Son premier mérite est de réveiller l’intérêt pour un compositeur de haut lignage un peu négligé, Jacques Ibert (1890- 1962), contemporain de Prokofiev, Martinu, ou Honegger dont il fut l’ami et collaborateur: les amateurs de théâtre lyrique se souviennent d’une séduisante production de L’Aiglon, donnée à l’Opéra de Lausanne au printemps 2013.

Le deuxième mérite est de faire renouer l’orchestre avec sa vocation première, à savoir la défense de la musique française. L’art d’Ibert, franc et distingué, se plaît dans des atmosphères qui oscillent entre le post-impressionnisme d’un Ravel et le néo-classicisme du groupe de Six. Nulle quête métaphysique dans cette musique ordonnée et souple, mais le plaisir hédoniste des sons et des couleurs, servi par un métier infaillible.

Parmi les morceaux sélectionnés pour composer le programme de ce CD copieux (plus de huitante minutes), trois au moins sont des œuvres majeures de leur auteur: Les Escales, nous invitent à prendre des vacances estivales en Méditerranée avant l’heure. Le Divertissement pour orchestre de chambre pétille d’intelligence et de verve. L’Ouverture de Fête, composée en 1940 pour fêter le 2600e anniversaire de la fondation de l’Empire du Japon, est prise par Järvi dans un tempo rapide et incisif: on gagne en vitalité ce qu’on perd en solennité, et c’est très bien ainsi.

Ces pièces sont bien connues des mélomanes par des gravures anciennes (Martinon, Munch, Paray, Stokowski…) certes admirables, mais que le nouvel enregistrement relègue au rang de documents historiques. L’OSR et Järvi ont donc toutes leurs chances de convaincre le jury américain. L’interprétation est de surcroît magnifiée par une prise de son somptueuse, disponible en son multicanal (SACD), pour ceux qui sont équipés en 5.1.

Référence:

Jacques Ibert, ?'uvres orchestrales, Orchestre de la Suisse Romande, dir. Neeme Järvi, capté au Victoria Hall à Genève par Ralph Couzens, SACD Chandos 5168, 2016.

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