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Remettre la poule au centre

Le Coin du Ronchon
La Nation n° 2061 6 janvier 2017

A chaque fin d’année, invariablement, les médias et les réseaux sociaux nous soûlent avec leurs rétrospectives des événements survenus durant les douze mois écoulés. Pour sacrifier à cette affligeante tradition, la présente rubrique vous propose de revenir sur le fait divers le plus insignifiant de la dernière décennie. Au mois d’août, la presse titrait ainsi: «Les poules, nouvelles victimes de l’abandon.» Il semble en effet qu’en Suisse orientale, des cohortes de volailles aient été à plusieurs reprises lâchées en pleine nature, livrées à elles-mêmes et aux renards. Les défenseurs des animaux, inquiets et indignés, ont rappelé que de tels actes étaient punissables et qu’il existait des possibilités de faire «euthanasier professionnellement» les poules dont on ne veut plus. Un site internet www.rettetdashuhn.ch a aussi été ouvert, qui a permis de replacer dans des fermes d’accueil plusieurs centaines de poules abandonnées.

Ce qui nous paraît choquant dans cette affaire, c’est qu’on semble considérer comme allant de soi le modèle de la poule au poulailler. Peut-on encore, au XXIe siècle, obliger des êtres vivants à rester en détention durant toute leur existence? Ne doit-on pas souhaiter la liberté de tous et de toutes, quelles que soient leur race, leur origine, leur religion, la couleur de leur bec et de leur crête? A l’heure où le monde commence enfin à admettre la légitimité de la lutte pour la libération des nains de jardin, comment les organisations de protection des animaux peuvent-elles s’insurger contre ce mouvement de libération de la poule, qui doit amener cette dernière à voler de ses propres ailes? Les nains auraient-ils davantage de droits que les poules? Y a-t-il des privilèges qui doivent être réservés aux êtres humains, quelle que soit leur taille, mais refusés aux animaux? Est-ce à dire qu’il existe des communautés pour lesquelles l’idéal social est différent de celui des autres communautés? Qu’il existe des individus faits pour vivre en liberté et d’autres destinés à l’esclavage?

Comme on le voit, le sujet nous amène à des interrogations que la morale moderne réprouve. Mais peut-être n’est-ce pas là le fond du problème? Peut-être les poules sont-elles réellement prêtes à vivre librement, à condition que leur libération s’inscrive dans un projet global bénéficiant de conditions cadres optimales, d’un encadrement pédagogique fort et de moyens suffisants?

L’important est de remettre la poule au centre. Ou la dinde ou quelque autre volaille. C’est ce que l’on peut souhaiter de mieux en cette période de fin d’année.

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