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Le grand basculement

Denis Ramelet
La Nation n° 2069 28 avril 2017

La qualification d’Emmanuel Macron et Marine Le Pen pour le second tour de l’élection présidentielle française le 7 mai constitue un événement politique suffisamment important pour que nous y consacrions quelques lignes. Commençons par des commentaires ? politiciens ? à court terme, avant de passer à des considérations ? politiques ? à plus long terme.

Victoire à la Pyrrhus?

A court terme, M. Macron sera probablement le prochain président de la République française. Il faut commencer par s’incliner bien bas devant la maestria du prestidigitateur Hollande. Se sachant totalement déconsidère – il n’est rien de moins que le président le plus impopulaire (jusqu’à présent) de la Ve République – et sans aucune chance d’être réélu (au point qu’il a même dû renoncer à se présenter), Hollande est parvenu en quelques mois – avec toute l’aide des medias il est vrai – à créer ex nihilo un clone de lui-même (? Macron, c’est moi ?, a-t-il avoue) en la personne d’un gamin de même pas 40 ans, énarque, banquier chez Rothschild, pur technocrate ne s’étant jamais présenté à aucune élection, et à faire de ce clone un candidat crédible pour lui succéder à la présidence de la République. Chapeau l’artiste!

Quant à Marine le Pen, elle se qualifie pour le second tour malgré un score plus bas que celui qui lui a été promis par les sondages pendant de longs mois. Pour se consoler, elle pourra considérer les éléments suivants: le FN dépasse pour la première fois 20% de voix à l’élection présidentielle; Marine le Pen a obtenu 7,7 millions de voix, soit prés de 3 millions de voix de plus que son père en 2002 et prés d’un million de voix de plus que lors des élections régionales de 2015, son précédent record; elle est créditée de 35 à 40% des voix au deuxième tour, soit plus du double de son père en 2002; le FN va décupler son nombre de députes à l’Assemblée nationale (passant de 2 à plus de 20).

Signes des temps: Macron n’a pas pu refuser le débat de l’entre-deux tours comme Jacques Chirac l’avait fait en 2002; Jean-Luc Mélenchon, socialiste ? canal historique ?, n’a pas été contraint d’appeler à voter pour le libéral Macron ? pour faire barrage au Front National ?; les syndicats n’ont pas appelé à manifester ? contre la bête immonde ?; les troubles à l’annonce du résultat du premier tour ont été anecdotiques.

Rien à voir avec la ? quinzaine de la haine ? de 2002.

La probable élection de M. Macron ne sera-t-elle pas une victoire à la Pyrrhus? Cela dépendra beaucoup du résultat des élections législatives du mois de juin, qui s’annoncent difficiles pour un homme officiellement sans parti. A moins que le PS – ou ce qu’il en reste – se range en bloc sous la bannière de Macron. La mue serait alors complète: En Marche! serait alors le nouveau nom d’un PS délesté de ses ? frondeurs ? trop socialistes au goût de Bruxelles. Un peu comme, il y a vingt ans, le New Labour de Tony Blair.

Le grand basculement

A plus long terme, l’élimination simultanée des deux grands partis de gouvernement, qui ont alternativement occupe le pouvoir en France depuis une quarantaine d’années, semble être bien davantage qu’un simple accident de parcours: un déplacement de l’axe fondamental structurant la politique en Occident depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Depuis dix ou vingt ans suivant les pays, le clivage essentiellement économique hérite de la Guerre froide – gauche socialiste contre droite libérale – semble progressivement céder la place à un clivage plus politique: souverainisme contre mondialisme, incarnes dans cette élection par Marine Le Pen et Emmanuel Macron.

Une autre grille d’analyse, plus philosophique, partiellement incompatible avec la précédente, voit dans l’émergence des partis populistes en Europe, à nouveau depuis dix ou vingt ans selon les pays, la renaissance d’un certain conservatisme qui avait disparu comme force idéologique pendant la Guerre froide: nous aurions aujourd’hui une gauche socialiste, un centre libéral et une droite conservatrice. Cela également décrit assez bien le positionnement des quatre principaux candidats au premier tour: une gauche non libérale et progressiste (Mélenchon), un centre libéral avec une aile progressiste (Macron) et une aile plutôt conservatrice (Fillon), une droite non libérale et plutôt conservatrice (Marine Le Pen).

Que Marine Le Pen gagne ou perde le second tour, l’examen des reports de voix dont elle bénéficiera montrera quel est le nouveau clivage structurant de la politique en France (voire au-delà). Si elle reçoit plus de voix de Mélenchon, le clivage souverainisme contre mondialisme s’en trouvera valide. Au contraire, si elle recoit plus de voix de Fillon, c’est l’axe conservatisme contre progressisme qui s’en trouvera validé. Réponse dans une semaine!

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