Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Le peuple change, la mission reste

Jacques Perrin
La Nation n° 2069 28 avril 2017

Le président Erdogan aurait exigé des Turcs: ? Ne faites pas trois enfants, faites-en cinq, vous êtes l’avenir de l’Europe! ?

Pendant ce temps, 24 heures publiait un article de M. Philippe de Vargas dont l’incipit disait: A moins d’un sursaut salutaire, la faible natalité de notre pays le condamne à une prochaine disparition. Certes notre territoire sera toujours habité, mais par une population en forte majorité différente par ses gènes, ses traditions, ses valeurs, voire sa langue.

M. de Vargas parle de la Suisse; le Pays de Vaud n’est pas mieux loti.

La Ligue vaudoise lutte pour le bien commun vaudois. Le pays existe bel et bien, il a une histoire, un territoire, des frontières, des autorités. Que signifie se soucier de la survie d’un pays dont la population autochtone diminue fortement et sera peut-être ? remplacée ? par plusieurs autres ? ethnies ?? Le plus dur est de répondre en se gardant de sentiments tels que la peur, la nostalgie ou le ravissement devant le ? métissage ?.

Les statistiques démographiques confirment ce que notre âge (mur) nous a donné à voir durant des années.

Naguère et maintenant

A la fin des années cinquante du siècle dernier, sur La Cote, les Vaudois vivaient presque entre eux. Quelques paysans bernois s’étaient établis aux environs d’Aubonne, donnant des syndics appréciés. A Saint-Prex, depuis 1913, la verrerie employait des verriers fribourgeois de Semsales. Dans les bals, des bagarres opposaient les agriculteurs vaudois protestants aux ? étrangers ?, les dzodzets, auxquels un quartier de maisons ouvrières était réservé sur les hauts du village ou une église catholique avait été bâtie.

Puis les Italiens étaient arrives; le père du soussigne en employait quelques-uns dans sa petite entreprise. Le soussigne lui-même, âge de cinq ans, souhaitait exercer le métier d’Italien sur l’autoroute. Celle-ci était alors en construction prés de chez lui. Dans notre classe d’école enfantine, une petite Espagnole timide jusqu’au mutisme, prénommée Pilar, aux tresses et au regard d’un noir profond, suscitait la curiosité par son étrangeté. Il fallait visiter l’aéroport de Cointrin pour croiser un ou deux Africains.

Cinquante ans plus tard, dans les rues des bourgs et des villages, on entend l’anglais des expats, le portugais, l’albanais, le turc. L’accent vaudois est l’apanage des vieux. A l’école, les origines sont fort diverses; sur les listes, les patronymes vaudois sont minoritaires. Dans l’entreprise paternelle reprise par notre frère, les employés sont des Kosovars, des Portugais, des frontaliers français, dont certains ressortissants colorés d’anciennes colonies.

Aujourd’hui, les personnes âgées ? de souche ? (elles existent!), contraintes d’emprunter le M2 lausannois, se demandent dans quel pays elles vivent. Le plus étonnant n’est pas la diversité, mais le fait que toutes les nations de la Terre y communient dans le jeans, le smartphone, le piercing et le tatouage tribal. L’exotisme se limite à quelques foulards et aux vêtements étonnants de dames probablement érythréennes. Un sport populaire comme le football, qu’il s’agisse du Lausanne-Sports ou des petits clubs de campagne, témoigne de la ? diversité ?.

Le déficit démographique est commun à tout l’hémisphère nord. Seule la première génération d’immigrés fait plus d’enfants que la moyenne. La population croît très vite en Afrique. Au XIXe siècle, il y avait deux Européens pour un Africain. Il y aura bientôt trois Africains pour un Européen.

Les causes

Quelles sont les causes du déséquilibre?

Quand une personne ayant commis une faute accumule les excuses, aucune ne nous convainc. Il en va de même en matière de causalité. Si les causes d’un phénomène sont trop nombreuses, son explication s’obscurcit. La sagesse nous incline alors à reconnaitre que nous ne savons pas.

M. de Vargas mentionne plusieurs raisons de la dénatalité helvétique: avec l’introduction de l’AVS, il n’a plus été nécessaire d’investir pour ses vieux jours en faisant des enfants; maintenant ceux-ci coutent cher, ils empêchent les conjoints de jouir de la prospérité, d’avoir des ? plages de loisir ?, d’exercer chacun une profession. M. de Vargas préconise d’augmenter les allocations familiales et de diminuer la pression fiscale sur les familles nombreuses.

Les causes qu’allègue M. de Vargas ne sont pas absurdes, mais on peut en citer d’autres: l’accès facilite à la contraception, une tolérance face à l’avortement très marquée en terre vaudoise, et surtout le changement de position de la femme dans la société. L’égalité provoque ce que Michel Houellebecq a appelé ? l’extension du domaine de la lutte ?. Les individus des deux sexes deviennent des concurrents à tous les points de vues et n’assument plus des rôles distincts dans la communauté familiale dont le chef n’existe plus. L’autonomie professionnelle et financière est désormais l’objectif principal des ? partenaires ?. Ceux-ci sont écrasés par leur ? job passionnant ? et la nécessité de parvenir. Que de jeunes hommes et femmes dans notre entourage demeurent célibataires, ? en couple ? sans enfants ou épuisés par un divorce! Concilier vie professionnelle et vie de famille est au-delà des forces de beaucoup. Certaines personnes restent seules, non qu’elles soient contrefaites, pauvres ou stupides, mais parce qu’elles n’ont pas le temps de trouver chaussure à leur pied. Les jeunes femmes jolies et diplômées font peur aux mâles.

Il semble aussi qu’un certain nihilisme entraine la dénatalité. La religion du ? croissez et multipliez! ? ne fait plus recette. La culpabilité liée aux ravages causes par les guerres mondiales et les régimes totalitaires ont liquéfie les nations: Allemagne, Italie, Japon, ainsi que toutes les terres de sang de l’Est européen, ont les taux de fécondité les plus bas, y compris la Pologne catholique, mais ceux-ci ne sont guère meilleurs chez les vainqueurs et les pays neutres, ce qui rend l’explication peu convaincante. Aucune nation occidentale n’atteint les 2,1 enfants par femme, seuil du renouvellement; c’est l’immigration qui comble les vides.

Nous ne parvenons pas à élucider le mystère. Les mouvements démographiques s’inversent brutalement sans qu’on sache pourquoi. Aujourd’hui, la population mondiale augmente encore surtout en Afrique et dans certains pays musulmans. Elle pourrait bientôt chuter partout, à la grande joie des disciples écologistes de Malthus. Appliquer une politique volontariste en matière de naissances autochtones serait-il efficace? Ne nous opposons-nous pas à des forces indomptables? Il ne suffit pas de claquer des doigts pour restaurer la confiance dans l’avenir, condition de la natalité.

Nos tâches

Revenons à la question de départ. Que faire lorsque se produit dans le pays que nous aimons un changement rapide de population? ? Rapide ? est le mot essentiel. Nos capacités d’assimilation paraissent dépassées. Seuls la crête du Jura, les Alpes et les ciels lémaniques à la Hodler ne bougent pas trop. Il faut tenir le cap dans la tempête.

Tenir le cap, c’est remplir les missions de toujours, celles qui sont en notre pouvoir: faire connaitre et aimer l’histoire vaudoise aux nouveaux venus; l’enseigner; transmettre la langue française; infuser notre art de vivre; conserver ce que le peuple vaudois, ses artistes et ses politiques ont réussi à faire de bien (c’est énorme); empêcher les migrants de constituer des communautés fermées; éviter les conflits religieux; rester maitres sur notre territoire; ne pas se soumettre à un pouvoir étranger.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: