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Quel nouveau clivage?

Denis Ramelet
La Nation n° 2070 12 mai 2017

Sans grand mérite, nous annoncions il y a quinze jours l’élection de M. Macron comme successeur de M. Hollande à la présidence de la République française. Comme au premier tour, le score de Mme Le Pen au second tour se situe au plancher de la fourchette des pronostics: 34%, alors qu’elle pouvait espérer atteindre la barre des 40%.

Pourtant, l’entre-deux tours avait plutôt bien commencé pour Mme Le Pen: M. Macron avait débuté par un faux-pas le soir même du premier tour, en festoyant à la Rotonde comme Sarkozy au Fouquet’s dix ans plus tôt; trois jours plus tard, Mme Le Pen se voyait acclamée par les grévistes de Whirlpool, pendant que M. Macron palabrait avec des délégués syndicaux dans les salons feutrés de la Chambre de commerce locale; à la fin de la semaine, le courageux voire téméraire Nicolas Dupont-Aignan se ralliait à Mme Le Pen… Et puis patatras: prestation désastreuse de Mme Le Pen lors du traditionnel débat de l’entre-deux tours, à quatre jours seulement du vote. Comme l’a dit le blogueur Aldo Sterone, avec sa gouaille désabusée: «Il y a eu morflage.»

Cette contre-performance de Mme Le Pen, dans l’attaque voire l’agression permanente de son adversaire plutôt que dans l’exposition de son propre programme, ne tient pas seulement à son tempérament ni au fait – bien connu – qu’elle n’est pas une femme de dossiers, mais aussi au fait qu’elle cherchait à draguer à la fois les électeurs de M. Fillon et ceux de M. Mélenchon (qui avaient obtenu chacun près de 20% des voix au premier tour). Or, ces deux groupes d’électeurs ne sont d’accord à peu près sur rien: les fillonistes sont plutôt conservateurs et européistes, alors que les mélenchonistes sont plutôt progressistes et souverainistes. La seule chose qu’avaient en commun ces deux groupes d’électeurs orphelins, c’était l’anti-macronisme. C’est sur cette seule corde que Mme Le Pen a essayé de jouer – fort maladroitement – pendant deux longues heures...

Comme après le premier tour, Mme Le Pen pourra se consoler de son résultat relativement décevant en considérant qu’avec près de 11 millions de voix, elle double le score obtenu par son père en 2002 et gagne 3 millions de voix par rapport au premier tour, cela malgré une forte campagne d’intimidation médiatique (moins hystérique toutefois qu’en 2002).

Nous écrivions il y a quinze jours que les reports de voix dont bénéficierait Mme Le Pen au second tour seraient indicatifs du clivage qui s’apprête à remplacer le clivage libéralisme / socialisme hérité de la Guerre froide, dont l’effacement semble annoncé par l’élimination au premier tour des deux partis de gouvernement qui l’ont incarné pendant des décennies. Or, les premières études sur les reports au second tour semblent indiquer que 20% des fillonistes se sont reportés sur Mme Le Pen contre seulement 10% des mélenchonistes, et cela alors que la campagne de Mme Le Pen, en vue tant du premier que du second tour, était orientée beaucoup plus en direction des ceux-ci que de ceux-là. Il semble donc que, quoi qu’en pense M. Florian Philippot (le stratège de Mme Le Pen, ancien proche de Jean-Pierre Chevènement1), le clivage conservatisme / progressisme soit plus fort que le clivage souverainisme / européisme. Le Front National va-t-il abandonner ou au moins infléchir la «ligne Philippot»? La prise de recul annoncée par Marion Maréchal Le Pen, notoirement en désaccord avec M. Philippot, semble indiquer qu’un changement de ligne n’est pas à l’ordre du jour.

Notes:

1 Lequel a par ailleurs soutenu Macron, au grand dam de tous les souverainistes de gauche...

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