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Culte unique, églises désertiques

Cédric Cossy
La Nation n° 2073 23 juin 2017

Le Conseil synodal a publié le 4 avril dernier un Message à propos des cultes dominicaux. Après une introduction au ton misérabiliste (participation en diminution, manque de relève pastorale, diminution des moyens financiers…) et quelques références appuyées au Rapport non décisionnel sur les dotations de mars dernier, la missive propose ses vues sur la grille des cultes dans les paroisses.

Les lieux d’Eglise sont appelés à mettre en place un «dispositif se rapprochant le plus possible» des points suivants:

–  un seul culte par dimanche et par paroisse,

–  culte toujours au même endroit et à la même heure,

–  un seul culte par ministre et par dimanche,

–  implication accrue des fidèles dans la prise en charge du culte.

Pour reprendre ces propositions dans leur ordre inverse, une implication accrue des fidèles dans les célébrations semble indispensable pour soulager les ministres dont la charge de travail va augmenter proportionnellement à la diminution de leur nombre. Comme les paroissiens engagés sont déjà très sollicités, il faudra susciter de nouvelles aides, accompagner leur formation, roder des équipes d’intervenants… Le message appelle aux bonnes volontés de tous et à l’Esprit, mais ne propose aucune piste concrète pour y parvenir.

Un ministre astreint à un seul culte par dimanche est certes plus disponible pour les fidèles présents; il peut prolonger les discussions et les échanges avec ses paroissiens en fin de culte. Nous ne trouvons par contre rien de choquant à la célébration de deux cultes – la prédication peut être «recyclée» – par le même pasteur le même dimanche, pour autant que les horaires et les distances entre les églises restent praticables. Le principe «un culte par ministre» apparaît comme une concession anticipée à des revendications encore non exprimées par les ministres concernés.

La régularité encourage l’usage: une heure de culte identique de semaine en semaine semble une pratique plutôt favorable. Mais pourquoi vouloir imposer le principe aux paroisses plutôt que de laisser ce choix à leur bon sens?

L’unicité du lieu nous paraît par contre complètement inique, pour les paroisses non urbaines du moins: le message argumente que les «membres de la communauté paroissiale se déplacent»; c’est peut-être vrai dans la paroisse lausannoise qui a souverainement décidé du culte unique avant que le message relatif du Conseil synodal ne soit édité. Cette mobilité a par contre largement été démentie dans les paroisses en campagne depuis les regroupements d’Eglise à Venir: les paroissiens ne se déplacent pas forcément et, s’ils acceptent de parfois se déplacer, ils apprécient aussi de participer à un culte «à la maison». Affirmer que, grâce au culte unique, «le nombre de participants au culte augmente» est un joli demi-mensonge: passer de deux offices réunissant vingt fidèles dans deux lieux d’église à un seul office en réunissant trente est une augmentation toute relative.

Me référant à ma paroisse, comment expliquer aux Gryonnais qu’ils devront délaisser définitivement leur église villageoise (au demeurant fort accueillante et chaleureuse) et les motiver à descendre chaque dimanche pour assister au culte dominical au temple de Bex? Quelle sera la réaction de la Commune de Gryon, en charge de l’entretien d’une église dont «l’utilisation différenciée», voire le «renoncement à l’utilisation» est prédite dans le message? Alors que les cultes dits «intergénérationnels» sont la colonne vertébrale de certaines années de catéchisme, combien de catéchumènes excentrés va-t-on décourager en plus?

Même si le message du Conseil synodal ne «veut pas prescrire», mais juste «encourager et stimuler», il remet les compétences des conseils régionaux et paroissiaux en question. Eux seuls, selon l’art. 248 du Règlement ecclésiastique, «décident des lieux et horaires des cultes paroissiaux». Ensuite, si le message suggère ardemment aux paroisses de réduire leur grille des cultes, c’est que la réduction des positions pastorales en paroisse semble une évidence à laquelle le Conseil synodal veut nous faire croire. Pourquoi en paroisse et non dans l’organisation centrale de l’EERV? Ce parti pris n’est pas acceptable pour l’instant, sachant que les décisions du Synode concernant les dotations ne sont pas attendues avant mars 2018.

Ou faut-il lire le défaitisme dans ce message? La réduction du nombre de ministres est-elle vraiment une fatalité? A l’attitude résignée du bureau des ressources humaines face à la pénurie de vocations, nous préférerions une politique RH active pour susciter celles-ci et faciliter l’accession au ministère ou au diaconat. A l’exemple de la région du Chablais vaudois, les départs de pasteurs prévus en 2017 amèneront une réduction de dotation dépassant les 10% visés d’ici 2025. La décision unilatérale du BRH de ne pas repourvoir ces postes, anticipe ainsi la pénurie planifiée dans quatre à cinq ans.

Vu des paroisses, le message du Conseil synodal n’a rien d’encourageant ni de stimulant: il annonce la lente exsanguination des paroisses. Leurs délégués seront avisés de ne pas entrer en matière sur les propositions émises et d’exprimer au contraire de manière affirmée leurs besoins pour pouvoir apporter l’Evangile dans leur communauté locale.

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